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Techniques

Avis détonant sur le crowdfunding de Nathalie Vincent, co-fondatrice d’OpenMind

Publication: Décembre 2014

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Un beau concept qui se développe avec succès. Attention, toutefois, à ce que chacun des acteurs soit respecté et à ce que la valeur « collaborative » ne soit pas oubliée...
 

La sortie du décret fixant et sécurisant le cadre du financement participatif (appliqué depuis le 1er octobre), booste les velléités des protagonistes de ce nouveau modèle économique et financier. Les plateformes se multiplient ; les entrepreneurs sont de plus en plus nombreux à y faire appel, et les particuliers plébiscitent cette nouvelle façon d’investir dans l’économie. Tout est en place pour que le crowdfunding fonctionne de façon optimale. Attention à ce que ce mode de financement innovant ne soit pas victime de son succès. Pour perdurer, il va devoir faire ses preuves, notamment en termes de respect de chacune des parties prenantes.

Le financement participatif (crédits, dons sans contrepartie, apport avec contrepartie… accordés par des particuliers aux entreprises), ou « crowdfunding » en anglais, a le vent en poupe. Il ne se passe pas un jour sans que les médias n’évoquent un nouveau secteur économique qui y fasse appel ou la création d’une plateforme dédiée dans l’hexagone. 66 millions d’euros de financement participatif ont été levés au premier semestre 2014 en France, et 1 million de Français ont prêté ou donné des fonds depuis 2008.

Le secteur artistique, qui a lancé le mouvement avec de jeunes chanteurs ayant fait appel à l’argent de fans pour financer un premier album, n’est plus le seul à utiliser le financement participatif. Aujourd’hui, toute l’économie en est potentiellement consommatrice. Pour preuve : l’entreprise française Biosantech a levé 803.000 € via la plateforme Happy Capital, pour financer la phase 2 de la mise au point de son vaccin contre le sida. Avec cette somme, l’entreprise a dépassé son objectif initial de 160 %, réalisant l’une des plus importantes levées de fonds, en France, via le crowdfunding.

D’après de récentes études, les PME françaises feront face à un manque de financement de 60 milliards d’euros d’ici 3 ou 4 ans. Nul doute que nombre d’entre elles vont regarder avec intérêt la possibilité de lever des fonds via le financement participatif, même si le passage par les plateformes leur coûtera, dans la plupart des cas (il existe aussi la possibilité de verser une somme fixe à la plateforme), entre 5 % et 12 % de commission sur le montant des sommes récoltées.

Un modèle de plateforme réellement « collaborative » à inventer...

Si la justification économique du crowdfunding semble évidente, celle-ci ne doit pas être prétexte à « faire n’importe quoi, n’importe comment ».

La précipitation opportuniste de certains à créer des plateformes pour profiter de ce nouveau marché juteux, en ayant d’abord des idées techniques (recherche d’un outil informatique le plus performant possible), sans forcément avoir une idée globale des enjeux, pourrait nuire au concept. Dévoyer celui-ci risque de le mettre en péril, à terme.

En effet, de quoi parle-t-on ? Le crowdfunding fait partie de ce que l’on appelle l’économie collaborative, visant à produire de la valeur « en commun ». Cet aspect semble quelque peu oublié, pour l’instant.

Donne-t-on assez d’importance à l’échange entre investisseurs et dirigeants recherchant des fonds ? Que de belles histoires entrepreneuriales à raconter pourtant… Que d’expériences à partager, en plus de récolter de l’argent... Les plateformes de crowdfunding doivent faire la part belle à l’aventure humaine que constitue l’histoire entrepreneuriale. Pour être un vecteur de transmission et de partage d’expériences, elles peuvent d’ailleurs tout à fait imaginer sortir de l’outil informatique, du réseau social virtuel, via, par exemple, l’organisation de soirées destinées à faire se rencontrer « dans la vraie vie » les protagonistes. Un peu plus d’humain dans le circuit concrétiserait mieux l’idée d’économie collaborative...

… avec le respect de chacune des parties prenantes

De même, l’information a minima sur les sites existants risque-t-elle d’être contre productive. Le secteur du crowdfunding est pourtant typiquement un secteur qui doit drainer une information conséquente.

En racontant son histoire en détail - le besoin en financement n’en est qu’une partie -, l’entrepreneur enrichit la mémoire collective, et implique ses prêteurs dans l’aventure. Encore faut-il qu’ils soient tenus au courant des tenants et aboutissants, avant leur geste financier, mais aussi après. Or, si quelques informations de base sont données aujourd’hui pour convaincre les particuliers d’investir, le silence est la règle, ensuite… jusqu’au bilan financier de l’opération. Dommage. Car, après tout, l’entrepreneur ne fait pas une course en solitaire, mais en équipe ; ses prêteurs particuliers faisant légitimement partie de celle-ci.

Le discours de l’entrepreneur racontant son histoire personnelle et ses ambitions professionnelles doit aller de pair avec une description détaillée de son projet. Présenter des projets étayés aux particuliers, avec force détails sur l’entreprise et ses problématiques de financement, mais aussi sur le secteur économique concerné, est un gage de respect de l’intelligence des investisseurs potentiels. Les risques financiers doivent également être clairement énoncés. Sur ce point, le guide très bien construit de l’AMF répond parfaitement aux attentes.

Exiger des projets détaillés, travaillés et sincères est aussi une marque de respect pour l’entrepreneur qui mérite mieux que d’être simplement perçu comme un apporteur de commission...

Celui-ci peut se faire accompagner pour présenter, avec le recul nécessaire, son projet et sa stratégie à horizon de 5 ans.

Même constat pour le suivi : celui-ci ne doit pas être exclusivement financier. Ou alors, quelle différence avec un produit financier classique vendu par un établissement bancaire ?

Raconter le développement du projet - avec ses succès, mais aussi ses échecs - a une grande valeur. Notamment celle de se prémunir de déceptions trop grandes de la part d’investisseurs à qui l’on aurait vendu un monde imaginaire où tout n’est que succès. En leur permettant de suivre pas à pas le chemin de son entreprise, le dirigeant partage avec ses partenaires financiers sa vie parfois chaotique et, loin de les rebuter, les rassure. La réalité du quotidien (on ne gagne pas à tous les coups) est aisément compréhensible pour chacun d’entre nous.

Le crowdfunding est une magnifique occasion de faire de la pédagogie économique en faisant participer les particuliers à la montée en puissance (ou à la chute, parfois) d’une entreprise. Beaucoup de ces derniers sont en demande d’une immersion concrète dans le monde de l’entrepreneuriat. Le crowdfunding leur permet cela, par procuration. Entrer dans une opération de financement participatif n’est pas un simple investissement, purement financier, à qui l’on demande d’être forcément gagnant. Il s’agit d’une aventure partagée, dans laquelle les faiblesses éventuelles doivent être admises.

http://www.openmind-dirigeant.com/

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