Airbnb, BlaBlaCar, LeBonCoin... Toutes ces marques sont devenues en quelques années de véritables « phénomènes ». Mais à quoi ressemble le portrait-robot du consommateur collaboratif ? Que pèse cette économie alternative ? Comment se compare-t-elle aux acteurs traditionnels et doivent-ils s’en inquiéter ? A quoi faut-il s’attendre dans un futur proche ? Le cabinet OC&C Strategy Consultants répond à ces questions à travers la première étude française complète sur le sujet de l’économie du partage regroupant analyses économiques et enquête utilisateurs, dont voici les principaux enseignements.
Près d’un sondé sur deux a déjà pratiqué l’économie du partage
De quoi parle-t-on, lorsqu’on parle d’économie du partage ? De tout, ou presque. « tout se partage, se loue, s’échange ou se vend : tout le monde peut monnayer sa tondeuse à gazon inutilisée, sa place de parking vacante, une partie inoccupée de sa maison, un trajet en voiture et même un repas fait maison », assure Jean-Michel Cagin, Partner chez OC&C Strategy Consultants.
L’économie du partage apparaît comme une vague de fond animée par une conjonction favorable de trois différents facteurs :
des facteurs sociétaux : aspiration au partage, envie d’alternatives communautaires et sensibilité accrue au développement durable sont dans l’air du temps ;
des facteurs économiques : avec un coût réduit pour le bénéficiaire du service et un complément de revenu pour le fournisseur, le système est le bienvenu dans le contexte actuel ;
des facteurs technologiques : les plateformes permettant la mise en contact instantanée entre utilisateurs, les paiements sécurisés et l’autorégulation par la communauté sont autant de facilitateurs.
D’après l’enquête menée par OC&C Strategy Consultants, 48% des sondés ont déjà pratiqué une forme d’économie du partage – 16% la pratiquant plus d’une fois par mois et 32% l’ayant déjà pratiquée occasionnellement.
« Il est frappant de constater à quel point l’on retrouve des gros utilisateurs de l’économie du partage dans toutes les tranches de population : jeunes, adultes et seniors, qu’ils aient des revenus faibles, moyens ou élevés. Il n’y a pas d’utilisateur type », note Jean-Michel Cagin.
Tout se prête et s’échange à commencer par les objets du quotidien
Parmi les différentes formes de consommation collaborative, arrive en tête la location / échange / revente d’objets à usage multiple et occasionnel (outils, habillement, électroménager...) avec 76% des pratiquants qui y ont déjà eu recours.
En deuxième position, on trouve le secteur du transport : 65% des pratiquants de l’économie du partage ont en effet déjà expérimenté le covoiturage ou la location de véhicules de particulier à particulier...
Les autres secteurs se positionnent plus loin derrière en termes de pratique, qu’il s’agisse de l’alimentation avec 29% (portions de plats cuisinés, produits frais) ou de l’immobilier avec 27% (appartements, bureaux, places de parking, espaces de stockage...).
« Au sein d’une communauté, 35 à 50% des membres – selon les types de services – sont à la fois utilisateurs et fournisseurs. C’est une véritable collaboration dans les deux sens où chacun s’y retrouve », précise Jean-Michel Cagin.
En moyenne, 110 euros par mois s’échangent ainsi entre particuliers, soit l’équivalent de 3 à 4 abonnements Internet par exemple.
Très discrètement, l’économie du partage a d’ores et déjà pris un poids considérable en regard de l’économie traditionnelle
Plusieurs exemples d’acteurs de l’économie du partage viennent témoigner de l’importance prise par ce secteur au cours des dernières années. Sur l’année 2013, les 10 millions de voyageurs transportés par BlaBlaCar représenteraient numériquement 9% des voyageurs transportés par la SNCF sur des longues distances. A leur croissance actuelle, les ventes de BlaBlaCar valorisées en équivalent tarifs SNCF lui conféreraient déjà une part de 18% sur les longues distances.
Quant à la plateforme Airbnb, si on la compare aux grands groupes hôteliers, elle aurait été en 2013 au 7ème rang mondial en termes de parc installé (410 000 chambres), juste derrière Accor (462 000 chambres). Mais sa croissance exponentielle la fait sortir du rang, si bien que sa capitalisation boursière est aujourd’hui estimée à 10 milliards d’euros, devant les géants mondiaux comme Accor, Intercontinental ou Hyatt.
« De façon presque inaperçue, ces nouveaux acteurs de l’économie du partage ont pris en quelques années une place au 1er rang mondial face des institutions établies de longue date. Et le plus formidable, c’est qu’au contraire des modèles traditionnels, ces challengers n’ont pas d’actifs immobilisés : Airbnb propose le 7è parc mondial d’hébergement sans posséder une seule chambre et BlaBlaCar permet à 10 millions de personnes de voyager sans avoir investi dans le moindre véhicule ; c’est une véritable révolution ! » s’enthousiasme Jean-Michel Cagin.
Qui seront les vainqueurs de l’économie du partage ?
Comment s’imposer comme leader dans le secteur de l’économie du partage ? « Dans ces modèles communautaires où l’offre doit rencontrer la demande, le facteur taille est capital et conduit dans certains secteurs à l’émergence d’un leader ultra-dominant, comme LeBonCoin dans la catégorie des objets ou BlaBlaCar dans le domaine du transport », explique Jean-Michel Cagin.
Il reste néanmoins des catégories où les jeux sont plus ouverts, comme celui des biens immobiliers, où Airbnb et Couchsurfing semblent encore se disputer la première place en France, ou celui du crowdfunding (financement participatif), où KissKissBankBank fait figure de leader sans pour autant avoir définitivement creusé l’écart avec d’autres plateformes comme Prêt de Chez Moi ou My Major Company.
L’essor de l’économie du partage donne en tout cas lieu à une surenchère financière et capitalistique dont les acteurs traditionnels ne restent pas absents. A titre d’exemple, la SNCF a renforcé sa présence dans le covoiturage en septembre dernier, en acquérant le site de covoiturage 123envoiture.com. De la même façon, AXA Seed Factory, le fonds d’amorçage du groupe qui cible les start-up spécialisées dans les métiers de l’assurance et la banque, a investi 350 000 euros dans Particeep, un logiciel dédié à la création de plates-formes de crowdfunding en marque blanche.
« C’est maintenant que les leaders historiques doivent réagir car les nouveaux modèles sont infiniment plus rapides et agiles que les leurs », avertit Jean-Michel Cagin.
Trois tendances à anticiper : l’importance de la e-réputation, un mouvement des assureurs et une réaction de la fiscalité
La e-réputation des acteurs de l’économie du partage va constituer un élément de plus en plus déterminant dans la confiance que ces derniers sauront générer auprès du public. D’après l’étude menée par OC&C Strategy Consultants, 39% des personnes ayant déjà expérimenté une pratique de partage ont déjà renoncé à une transaction au vu des avis constatés sur Internet. Or, à ce jour, il n’existe pas de plateforme leader agrégeant la e-réputation individuelle de l’ensemble des acteurs de l’économie du partage. A l’avenir, l’indice de confiance de chacun des utilisateurs potentiels sera un actif précieux pour participer à ce flux d’échanges communautaires.
Autre tendance à anticiper : l’émergence d’un nouveau marché pour les assureurs. D’après notre enquête, à l’occasion du partage d’une voiture ou d’un appartement, si plus d’un tiers des répondants ont vérifié les clauses de leur assurance, environ 50% n’ont pas regardé dans le détail s’ils étaient correctement assurés. De nouveaux contrats d’assurance permettant de couvrir pleinement les nouveaux usages engendrés par l’économie du partage sont ainsi à prévoir.
Enfin, étant donné le poids croissant de l’économie du partage, l’administration fiscale va sans doute être amenée à réagir, que ce soit à travers une taxation des transactions ou une régulation des activités. « Le tout sera de le faire sans menacer l’innovation et les bénéfices en termes de pouvoir d’achat que tirent les consommateurs de cette économie alternative ! », prévient Jean-Michel Cagin.
Méthodologie de l’enquête
L’enquête a été réalisée en Juin 2014 sur Internet auprès de 2 344 répondants de 18 à 65 ans, en partenariat avec Ouest-France.