L’usinage optimisé n’est jamais facile à obtenir. Principales raisons : ce n’est pas un mélange de paramètres traité individuellement. Au contraire, les fabricants savent bien qu’il n’existe pas qu’une seule manière d’usiner. Des applications différentes nécessitent des matières à usiner présentant des propriétés de performances très diverses. Les essieux automobiles, par exemple, nécessitent des aciers faiblement alliés offrant une résistance accrue. Les composants des moteurs à turbine nécessitent des alliages à base de nickel très résistants à la chaleur.
Comme le montrent leurs propriétés spécifiques, toutes les matières à usiner présentent différents niveaux parmi cinq propriétés physiques : l’abrasion, la dureté, la conductivité thermique et la tendance à l’adhésion/la ductilité et l’écrouissage. Les proportions individuelles d’une matière à usiner déterminent son usinabilité. Un acier relativement faiblement allié présentera une tendance élevée à l’adhésion qui peut entraîner la formation d’arête rapportée sur un outil et une usure par diffusion, alors que la faible conductivité thermique d’un alliage à base de nickel peut provoquer des températures de coupe extrêmes qui entraîneront la déformation de l’outil.
Rôle des propriétés des matériaux dans les résultats d’usinage En théorie, la connaissance de la composition spécifique d’éléments d’alliage peut être utilisée pour déterminer le choix des outils et des conditions de coupe qui produiront des résultats d’usure prévisibles et une bonne productivité. Mais la réalité est bien souvent différente. Il n’est pas rare que l’outil et les paramètres d’usinage indiqués pour une matière à usiner spécifique ne produisent pas des résultats totalement satisfaisants.
Cela est dû à la différence de composition des matières à usiner. Comme dans tout produit manufacturé, une plage de tolérance existe concernant les éléments qui composent une matière à usiner.
Pour confirmer ce phénomène, Seco a examiné une série de pièces bruts, de mêmes matières, et à mesuré les cinq propriétés avant usinage. Certaines caractéristiques étaient identiques, mais d’autres ont montré de grandes différences.
Lorsque les propriétés de base diffèrent entre les pièces à usiner, l’outil réagit différemment et la productivité peut diminuer. Au début des années 2000, Seco a participé à un projet avec des fournisseurs d’acier et d’autres entreprises du secteur de la métallurgie afin de mettre en place une méthode permettant de reconnaître de telles variations et apporter des conseils visant à améliorer les performances de l’outil. L’objectif était de créer un système permettant de mesurer les propriétés des pièces à usiner et d’utiliser ces données pour prévoir l’usinabilité, indépendamment des applications comme le tournage, le fraisage et le perçage.
Système d’analyse de l’usinabilité
Le système d’analyse de l’usinabilité ainsi créé est basé sur des mesures quantitatives des cinq propriétés des matériaux précédemment énumérés. La dureté et la conductivité thermique sont mesurées avec des méthodes standard. La teneur en carbone ou l’analyse de la répartition de la dureté permet d’obtenir des informations sur l’abrasion. La mesure de l’élongation des copeaux au point de rupture du copeau permet d’obtenir des mesures quantitatives des tendances d’adhésion, et une formule concernant la résistance à la traction et la limite d’élasticité par rapport à la limite d’élasticité d’une matière de référence produit une mesure d’écrouissage.
Les points de données des propriétés sont relevés sous forme de graphique à cinq points. Les valeurs les plus faibles apparaissent près du centre et les valeurs les plus élevées aux extrémités. La zone encadrée par les points de données offre une image graphique de la somme des tendances. En reliant les cinq points de données des propriétés, un polygone à cinq côtés se forme à l’intérieur de la grille du pentagramme.
En plus de la présentation sous forme d’image des propriétés d’une pièce à usiner spécifique, le système fournit des recommandations pour chacune des cinq propriétés de base en termes de matériau de coupe suggéré, de géométrie et de conditions de coupe. Le système décrit également les conditions d’usure classiques de l’outil.
Par exemple, les matériaux qui ont tendance à coller nécessitent des substrats d’outil durs avec des revêtements durs, des arêtes tranchantes et des angles de coupe importants, et des conditions de coupe prenant en compte le contrôle de température (des vitesses suffisamment élevées pour évacuer la chaleur dans le copeau ductile). Les conditions d’usure de l’outil incluent le micro-écaillage, la formation d’arêtes rapportées, l’écaillage et l’usure en entaille.
D’autre part, les outils destinés à usiner des matériaux durs doivent avoir des substrats durs (en fonction des vitesses d’avance utilisées), des arêtes de coupe présentant de petits angles de coupe, et être appliqués à des vitesses d’avance et des profondeurs de coupe faibles. L’usure classique d’un outil comprend la déformation plastique, l’écaillage et la rupture.
Les matériaux à usiner présentant une tendance à l’écrouissage nécessitent des outils durs, de faibles rayons de bec et des géométries d’arête de coupe bien adaptées, à appliquer à des vitesses de coupe faibles, à des vitesses d’avance et des profondeurs de passe élevées. Les modes d´usure importante des outils incluent la déformation plastique, l’écaillage et la formation d’entailles.
Les matériaux comme les superalliages présentant une faible conductivité thermique nécessitent l’utilisation d’outils avec une résistance à la compression élevée, des angles de coupe élevés et des arêtes de coupe vives. Les avances et vitesses de coupe faibles sont courantes, et les outils peuvent s’user via une déformation plastique ou simplement présenter un taux d’usure élevé.
Enfin, les outils destinés à l’usinage de pièces abrasives doivent bien évidemment être conçus avec des substrats résistant à l’abrasion et être dotés d’arêtes de coupe vives. Des vitesses de coupe et des avances peu élevées mais des profondeurs de coupe élevées sont appréciées. Les mécanismes d’usure incluent l’usure en dépouille et en cratère et la formation d’entailles.
Lorsque le système est utilisé pour une matière à usiner spécifique, il représente un mélange des propriétés des matériaux qui renforce leurs effets interdépendants.
Ajustements des procédés
Lorsque les résultats initiaux d’usinage ne sont pas ceux attendus, cette approche est utile parce qu’elle permet d’améliorer les outils et les paramètres de coupe afin de modifier les résultats. Par exemple, si un matériau doit présenter des tendances d’adhésion élevées, on s’attend à ce que les copeaux soient longs. Toutefois, si les copeaux sont plus longs ou plus courts que prévu, cela montre que les tendances d’adhésion sont supérieures ou inférieures à celles prévues initialement.
Le pentagramme, ou même simplement la connaissance des indicateurs des influences de performance des autres propriétés, peut aider un opérateur à ajuster les fonctionnalités d’un outil et les paramètres de coupe par rapport aux propriétés réelles de la pièce à usiner. C’est un peu comme ajuster les ingrédients d’une recette quand la première cuisson n’est pas conforme aux attentes.
Les classifications des matières à usiner basées sur la composition et la structure des matériaux comme celles établies par les normes ANSI aux États-Unis et ISO en Europe sont utiles. Elles ne sont toutefois que les prémices du développement des processus d’usinage car les propriétés peuvent varier dans une même classification tout comme au sein de pièces distinctes d’un stock. Par exemple, l’acier inoxydable est défini comme un alliage d’acier contenant au moins 12 % de chrome.
Toutefois, il existe des aciers inoxydables présentant une teneur en chrome plus élevée, et des variations de production peuvent altérer davantage le mélange. Même s’il s’agit d’aciers inoxydables, lorsque les différentes compositions sont usinées, le comportement de coupe est différent car les compositions et les structures ne sont pas les mêmes.
Le pentagramme classe non seulement les matières à usiner mais fournit également des conseils et des lignes directrices qui permettent aux opérateurs de comprendre ce qu’ils voient en termes de performances attendues et réelles de l’outil. Le système ne décrit pas la matière à usiner avec des adjectifs comme « mauvais » ou « bon », mais montre comment les différentes combinaisons de propriétés peuvent modifier l’interaction entre la pièce à usiner et l’arête de coupe. Il suffit de trouver la combinaison de propriétés de l’outil la plus adaptée aux propriétés de la matière à usiner.
Conclusion
L’objectif de l’usinage est de produire des pièces et d’être rentable. Les propriétés du matériau usiné exercent une influence majeure sur le processus. Ainsi, le coût final est directement ou indirectement influencé par les matières à usiner. Une meilleure compréhension des propriétés des matières à usiner permet de réduire le nombre de problèmes et d’augmenter la productivité dans le processus d’usinage et donc d’obtenir des résultats de fabrication économiques et rentables.