La loi Sapin 2, relative à la transparence économique, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique, a été adoptée définitivement par l’Assemblée Nationale le 8 novembre 2016. Cette loi touche à différents aspects de lutte contre la corruption avec notamment un renforcement de la protection des lanceurs d’alertes ou la création d’un registre des lobbyistes. Mais surtout, cette loi est particulièrement innovante, et se caractérise par trois création majeures : une agence anti-corruption, une obligation pour les entreprises de mettre en œuvre un programme de prévention de la corruption, une possibilité de Convention Judiciaire d’Intérêt Public pour les entreprises qui révéleraient un délit de corruption aux autorités publiques. Avec pour objectif déclaré de sanctionner plus sévèrement les "dévoiements qui menacent notre modèle économique et social", le législateur français vient de valider les bases d’une politique très ambitieuse de lutte contre la corruption. Le champ d’application des mesures a été validé... et concernent l’immense majorité des entreprises ! Coïncidence de calendrier, le 14 octobre dernier, un nouveau standard anti-corruption, a été adopté au niveau international : l’ISO 37001. Il s’agit non seulement une norme certifiable, mais c’est également un cadre de référence pour toute entreprise qui entend soit se doter d’un dispositif anti-corruption, soit tout simplement évaluer le sien à l’aune d’un standard international. Analyse d’experts, Anne LE ROLLAND, PDG d’ACTE International et Philippe MONTIGNY, Président d’ETHIC Intelligence, agence de certification des dispositifs anti-corruption.
Selon la Direction Générale du Trésor Public (DGTP), la lutte contre la corruption se traduit par un gain de 0,2 % par an de productivité dans les entreprises. « A l’instar d’une taxe directe, la corruption augmente le coût de production et diminue le rendement des entreprises » indique Anne LE ROLLAND, PDG d’ACTE International. « Elle agit comme un frein sur la dynamique économique et les investissements étrangers ». Au niveau des pays ou la corruption est endémique elle affecte directement le PIB : « La Banque Mondiale considère que sans corruption en Afrique le PIB y serait supérieur de 1% » rappelle Philippe Montigny, Président d’ETHIC Intelligence et par ailleurs Président de la Commission anti-corruption du Conseil Français des Investisseurs en Afrique.
Toutes les entreprises ayant plus de 500 employés et réalisant un CA de 100 M€ sont directement concernées par la loi avec la mise en place obligatoire d’un programme de prévention de la corruption.
Mais les entreprises plus petites ne sont pas en reste puisque la loi qui s’applique aux plus grandes entreprises leur impose de vérifier que leurs fournisseurs disposent d’un programme anti-corruption adapté à leur risque propre.
A terme, toutes les entreprises françaises, fournisseurs des grands donneurs d’ordre (privés ou publics) devront donc se doter d’une organisation spécifique, afin de prévenir les risques de corruption dans leur organisation et répondre aux attentes de leurs clients et commanditaires soumis aux obligations légales. Une contrainte non négligeable, qui peut toutefois se transformer en avantage concurrentiel par la promotion et la valorisation de leurs engagements éthiques.
La création de l’agence française anti-corruption (AFA) : La loi Sapin II prévoit la création de l’agence française anti-corruption (AFA) qui remplacera l’actuel Service Central de Prévention de la Corruption, mais avec des missions plus larges incluant notamment le contrôle de la mise en-œuvre de l’obligation de prévention de la corruption, sous peine de sanctions pécuniaires (de 200 K€ à 1 M€).
La création d’une obligation de prévention de la corruption : Le texte détaille les 8 principes selon lesquels les entreprises devront organiser leur dispositif anti-corruption : code de conduite, dispositif d’alerte, cartographie des risques, évaluation des tierces parties, procédures de contrôles, formation, sanctions et contrôle des mesures mise en œuvre.
La création d’une Convention Judiciaire d’intérêt public : La loi prévoit que l’entreprise qui révélerait aux autorités la découverte d’un délit de corruption dans ses opérations puisse conclure avec le Procureur une « Convention Judiciaire d’Intérêt Public » par laquelle elle verserait une amende d’intérêt public tout en se voyant contrainte de mettre en œuvre ou de renforcer son dispositif anti-corruption sous le contrôle de l’Agence Anti-Corruption.
Pendant 4 ans un groupe de travail réunissant une vingtaine de pays de tous les continents, a travaillé à l’élaboration d’une norme pour les systèmes de management anti-corruption. Philippe Montigny qui a créé le premier référentiel certifiable anti-corruption en 2006 et dont l’agence ETHIC Intelligence a certifié des entreprises dans le monde entier a largement participé à sa rédaction du standard ISO. « La certification anti-corruption permet au management de l’entreprise s’assurer que son dispositif de prévention et de contrôle correspond aux meilleures pratiques internationales. C’est donc d’abord une assurance « qualité » mais c’est surtout un moyen de communication. Grâce à la certification de son dispositif anti-corruption l’entreprise démontre à ses parties prenantes - actionnaires, partenaires, ONG ou agences de notation - la réalité de ses engagements anti-corruption » explique-t-il. « Vouloir faire certifier son dispositif anti-corruption, c’est aussi pour la direction le moyen de témoigner en interne de l’importance que l’on donne à l’intégrité dans les affaires. Mon expérience montre que les collaborateurs y sont très sensible - et encore plus aujourd’hui qu’hier » insiste-t-il.