Le Ministère de l’Education Nationale recensait en juin 2013 plus de 15 000 tablettes dans les établissements scolaires. Les déploiements de tablettes, qui relèvent plus souvent de l’expérimentation que d’équipement massif, constituent une révolution pour les établissements concernés.
En effet, ils doivent considérer de nombreux aspects : administration à distance des terminaux, diffusion des ressources pédagogiques, gestion des inventaires, accès au wifi, formation des enseignants... et appréhender les nouvelles solutions disponibles sur le marché (logiciels de Mobile Device Management, par exemple).
Mais, avant même d’aborder la question de l’équipement (matériel et solutions), les écoles doivent structurer leur réflexion autour de leurs besoins globaux. _ Seule une réflexion approfondie peut assurer de faire les bons arbitrages pour construire une solution globale pérenne pour l’établissement et s’éviter de mauvaises surprises.
Jean-Cédric MINIOT est le Directeur Général Délégué d’IBELEM, une société qui conseille de nombreuses écoles sur leur stratégie numérique et pilote leurs projets de déploiement de tablettes.
A ce titre, il nous dévoile les 4 axes sur lesquels la réflexion initiale doit reposer :
enseignants : quels sont leurs besoins et priorités pédagogiques ?
élèves : quel est leur degré d’autonomie, quels sont les usages prévus et tolérés ?
ressources techniques : quelles sont les compétences disponibles au démarrage du projet et pour la gestion quotidienne ?
financement : de quel montant dispose-t-on pour les achats initiaux et la gestion courante ?
1- Quels sont les besoins et priorités pédagogiques des enseignants de l’établissement ?
Les enseignants se trouvent au cœur du projet. Il faut les amener à exprimer leurs besoins et leurs souhaits, notamment en termes de gestion et d’animation de la classe.
En effet, selon les niveaux de classe et les matières, la tablette peut être envisagée sous différents angles. Les enseignants peuvent vouloir privilégier, par exemple, l’interactivité ou la collaboration, la créativité, le développement de l’autonomie des élèves.
C’est en partant des usages prévus en classe qu’on définit le type de solution à étudier.
Va-t-on, par exemple, s’intéresser aux solutions les plus riches et novatrices du marché (celles qui permettent, par exemple, de partager et contrôler les écrans, d’utiliser une messagerie instantanée, d’afficher les résultats d’un quizz en temps réel...), ou se contenter d’un matériel plus classique constitué des tablettes et d’un tableau interactif.
Par ailleurs, il faut penser à simplifier le travail quotidien des enseignants en leur fournissant l’accompagnement nécessaire :
apprentissage à l’utilisation des tablettes en cours, formation aux logiciels « périphériques » qu’ils pourraient être amenés à utiliser en toute autonomie, support pour la résolution d’incidents...
Cette phase de recueil des besoins enseignants est aussi l’occasion de s’assurer de leur adhésion au projet global, la réussite nécessitant l’implication du plus grand nombre.
2- Quel est le degré d’autonomie des élèves, quels usages sont prévus et tolérés ?
Selon le niveau des élèves et les conditions d’utilisation des tablettes, on ne fera pas les mêmes choix en termes d’équipement, de services et de process.
Le premier critère à prendre en considération concernant les élèves est leur degré d’autonomie.
En effet, on peut tout à fait imaginer demander à des élèves de lycée de faire quelques manipulations simples : téléchargement de ressources, création de comptes utilisateurs iTunes, gmail... A contrario, un élève de primaire se verra livrer une tablette « prête à l’emploi ».
Ensuite, il faut s’intéresser aux conditions d’utilisation de la tablette.
Elle peut être réservée à un usage scolaire ou servir également dans un contexte personnel, être utilisée exclusivement en mode sédentaire ou aussi en situation de mobilité, être partagée entre plusieurs élèves ou attribuée à un seul individu. Or, le type d’utilisation a un impact à de nombreux niveaux : accès au wifi, chargeurs (racks vs chargeurs individuels), coque, nombre de tablettes de remplacement à prévoir…
Dernier point concernant les élèves : selon la politique de l’établissement, on peut imaginer les inclure de manière proactive dans le projet. A titre d’exemple, le lycée Charles Péguy de Clisson, qui a déjà équipé 900 élèves et enseignants de tablettes, a mis en place, dès le démarrage du projet, le « kiosque Charly ». Il s’agit d’un groupe de discussion composé d’enseignants et d’élèves qui se réunit régulièrement pour enrichir le catalogue d’applications. Une autre façon d’impliquer tous les acteurs du projet et d’optimiser l’utilisation de ce nouvel équipement.
3- Quelles sont les compétences disponibles au démarrage du projet et pour la gestion quotidienne ?
Les tablettes doivent être administrées, sécurisées, paramétrées non seulement au démarrage du projet mais aussi tout au long de l’année (vol, casse, départ d’un élève, mise à disposition de nouvelles ressources par l’enseignant…) et à chaque rentrée scolaire (récupération de la liste des élèves par classe, mise à disposition des applications pédagogiques et manuels scolaires adéquats…).
Les solutions de Mobile Device Management permettent d’administrer à distance et simplement les tablettes et ressources pédagogiques. Mais, si certains établissements disposent d’administrateurs informatiques capables d’utiliser ce type de solutions, d’autres ne peuvent déléguer qu’une partie des tâches à des collaborateurs « technophiles » et moteurs. D’autres encore n’ont aucune ressource disponible.
A défaut de ressources, il faut externaliser totalement ou partiellement la gestion informatique. Selon le niveau de service défini, le prestataire peut se charger de la réception des terminaux à la livraison de tablettes prêtes à l’emploi : création des comptes utilisateurs, paramétrage des terminaux (accès wifi, téléchargement des applications, mise en place des règles de conformité, étiquetage...).
Ce prestataire assume aussi la gestion courante du parc et la gestion des événements majeurs tels qu’une rentrée des classes et il forme les enseignants.
Le recours à l’externalisation peut également intervenir pour faire face à une montée en charge sur les années, quand on passe, par exemple, de l’équipement de quelques élèves à la généralisation au sein de l’établissement.
4- De quel montant global dispose-t-on au lancement du projet et pour la gestion courante ?
La tablette en elle-même représente un poste de dépense conséquent. Il faut néanmoins budgéter toutes les autres dépenses associées, le terminal en lui-même pouvant ne représenter, sur certains projets, que 40 à 50% du budget à 3 ans.
Avoir une vision globale des dépenses sur la durée permet d’effectuer les bons arbitrages. Faute de ressources internes, il faudra peut-être, par exemple, sous-traiter la gestion complète du projet. Dans ce contexte, il sera peut-être nécessaire de chercher des sources d’économie : abandon d’une solution trop couteuse, choix d’une tablette moins onéreuse... En effet, le modèle de la tablette ne peut être considéré comme un prérequis. Il intervient après étude des besoins et au vu des considérations financières.
Dernier point concernant le financement, il faut étudier les différentes options. _ Un financement de type leasing permet, par exemple, pour environ 20€ par mois sur 3 ans de bénéficier d’une solution complète (matériel, logiciels d’administration et de génération d’interactivité, gamme complète de services…). Cette option séduit, plus particulièrement, les écoles privées qui sollicitent les parents pour le financement du projet global.
En résumé, à chaque établissement, sa solution. Néanmoins une règle de base s’impose à tous : la création d’un comité de pilotage et de suivi. Ce comité rassemble les acteurs internes (enseignants, chef d’établissement, administrateurs informatiques…) et les collaborateurs du prestataire externe. Ils définissent ensemble la matrice des besoins pour construire une solution globale adaptée au contexte spécifique de l’établissement.