Le premier article s’appliquait à expliquer les concepts de base et la relation entre la géométrie de l’outil, les vitesses d’avance et les contraintes mécaniques lors des opérations de tournage. Cet article analyse l’influence du positionnement de la fraise et des chemins de l’outil sur les contraintes mécaniques exercées lors du fraisage. Contrairement au tournage qui génère des contraintes mécaniques régulières sur un outil à simple arête, le fraisage soumet plusieurs arêtes de coupe à des contraintes variables qui changent rapidement. Il est donc nécessaire de tenir compte de plusieurs facteurs afin d’aboutir à une opération de fraisage réussie.
La toute première étape à prévoir lors du fraisage, et la plus simple, consiste à choisir une fraise et des plaquettes ou des arêtes de coupe adaptées au travail que l’on veut réaliser sur la pièce. Les fabricants d’outils proposent des outils de surfaçage, des fraises en carbure monobloc, des fraises-disques et d’autres fraises d’ébauche ou de finition conçues pour obtenir n’importe quel résultat souhaité sur vos pièces.
Quelle que soit la fraise choisie, ses arêtes de coupe vont sans cesse pénétrer et ressortir de la matière à usiner. Les contraintes appliquées sur les dents de fraisage sont nulles avant la pénétration, atteignent leur maximum pendant la coupe, puis redeviennent nulles lors du dégagement. L’objectif est de limiter les fluctuations des contraintes lors du processus de fraisage afin d’optimiser la durée de vie de l’outil ainsi que la productivité et la fiabilité du processus. Le positionnement de la fraise, les méthodes de pénétration et de dégagement ainsi que le contrôle de l’épaisseur des copeaux sont essentiels pour atteindre cet objectif.
Les contraintes appliquées aux outils de coupe sont très largement déterminées par la manière dont la fraise et ses arêtes de coupe pénètrent la pièce à usiner. Dans le cas du fraisage conventionnel, dit « vers le haut », la fraise tourne dans le sens inverse de l’avance de la pièce. Dans le cas du fraisage en avalant ou « vers le bas », la fraise tourne dans le même sens que l’avance.
Par conséquent, l’arête de coupe pénètre la pièce à usiner en produisant une épaisseur de copeau minimale à l’entrée et maximale à la sortie lors d’une opération de fraisage conventionnel. À l’inverse, pour le fraisage en avalant l’arête de coupe pénètre la pièce à usiner en produisant une épaisseur de copeau maximale à l’entrée pour une épaisseur proche de zéro à la sortie. Quelle que soit la méthode utilisée, le copeau produit est de forme conique.
Dans la plupart des cas, les fabricants d’outils recommandent la méthode de fraisage en avalant car elle réduit le phénomène de friction qui se produit lors de la pénétration avec épaississement constaté lors du fraisage conventionnel. Avec le fraisage en avalant, le fait de pénétrer la matière première à une épaisseur maximale facilite le transfert de chaleur sur le copeau et protège à la fois la pièce à usiner et l’outil. Les copeaux sont rejetés derrière la fraise ce qui permet d’éviter de les retravailler.
Cependant, il est préférable d’opter pour le fraisage conventionnel dans certains cas. Le surfaçage effectué avec la méthode de fraisage en avalant génère une force descendante qui peut engendrer un mouvement de retour inverse sur les machines manuelles plus anciennes. La pénétration par le dessous de la pièce à usiner permise par cette méthode peut s’avérer préférable sur des machines moins stables, notamment pour des coupes lourdes. Le fraisage conventionnel peut s’avérer efficace lors du fraisage de matériaux ébauchés ou à parois minces, la pénétration progressive de la matière à usiner protège ainsi les revêtements durs et résistants de l’outil de coupe contre les dommages dus à l’impact. En revanche, la friction et la chaleur excessives générées du fait des caractéristiques de pénétration larges du fraisage conventionnel peuvent avoir des effets néfastes sur un outil. Une force appliquée de manière déséquilibrée sur l’arête de l’outil peut ébrécher cette dernière et augmenter les contraintes de traction. La finition de surface peut s’en trouver altérée car les copeaux chutent devant la fraise et peuvent ainsi être retaillés.
La pénétration de l’outil de coupe à une épaisseur maximale opérée avec le fraisage en avalant soumet ce dernier à des contraintes mécaniques fortes, ce qui ne constitue pas un problème majeur pour la plupart des matériaux des outils de coupe. Les matériaux modernes, tels que le carbure, la céramique et l’acier à coupe rapide sont des produits à base de poudre affichant une résistance élevée à la compression.
Lorsqu’ils doivent étudier le positionnement de la fraise et les méthodes de pénétration de l’outil, les opérateurs noteront qu’il est souhaitable de positionner la fraise d’un côté ou de l’autre de la pièce à usiner plutôt qu’au centre. Le positionnement central regroupe les forces du fraisage conventionnel et du fraisage en avalant, ce qui peut favoriser l’instabilité et les vibrations lors de l’usinage.
Le dégagement de l’arête de coupe est tout aussi important que sa pénétration dans la pièce à usiner. Des essais expérimentaux ont permis d’établir une relation directe entre le positionnement de la fraise lors du dégagement et la durée de vie de l’outil de coupe. Si le dégagement est trop brusque ou trop irrégulier, les arêtes de coupe peuvent s’ébrécher ou se casser. De ce fait, les précautions prises lors du dégagement de l’outil peuvent rallonger sa durée de vie et la multiplier jusqu’à 10. Le point essentiel à prendre en compte est l’angle de dégagement, qui est l’angle calculé entre la ligne du rayon de la fraise et le point de dégagement de l’arête de coupe. L’angle de dégagement peut être négatif (au-dessus de la ligne de rayon de la fraise) ou positif (en-dessous de la ligne de rayon de la fraise). Les problèmes d’arêtes de l’outil de coupe sont plus évidents lorsque les angles de dégagement sont compris entre -30° et +30° environ. La largeur de la zone de la pièce à usiner couverte par ces angles est environ moitié moins grande que le diamètre de la fraise.
Une autre manière de limiter les fluctuations des contraintes sur les arêtes de la fraise consiste à multiplier le nombre d’arêtes de coupe utilisées sur la pièce à usiner à un quelconque moment. Opter pour des fraises à pas fin d’un plus petit diamètre et des profondeurs de passe radiales plus grandes permet de mettre plus de dents en contact avec la pièce à usiner et de répartir les forces de coupe de manière plus uniforme.
L’épaisseur des copeaux produits lors du fraisage a une grande influence sur les efforts de coupe, la température de coupe, la durée de vie de l’outil ainsi que sur la formation de copeaux et leur évacuation. Si les copeaux sont trop épais, les fortes contraintes générées peuvent ébrécher ou casser les arêtes de coupe. Si les copeaux sont trop fins, la coupe est réalisée sur une plus petite surface de l’arête de coupe et le phénomène de friction plus important crée de la chaleur, ce qui accélère l’usure de l’outil.
L’épaisseur du copeau est mesurée perpendiculairement à l’arête de coupe. Comme expliqué plus haut, les copeaux produits lors du fraisage n’ont jamais la même épaisseur lors d’une passe sur la pièce à usiner. À des fins de programmation, les fabricants d’outils utilisent le concept d’« épaisseur moyenne de copeau ».
L’épaisseur moyenne est une valeur numérique moyenne entre la dimension la plus épaisse et la plus fine d’un copeau. Les fabricants indiquent l’épaisseur moyenne des copeaux en fonction de géométries d’outils spécifiques à appliquer et à respecter afin d’obtenir une durée de vie de l’outil et une productivité optimales.
À l’aide de ces données, les opérateurs déterminent la vitesse d’avance de la fraise qui permettra d’obtenir l’épaisseur moyenne de copeau recommandée. L’insertion radiale de la fraise, son diamètre, son positionnement ainsi que l’angle de coupe de l’arête de coupe sont les paramètres qui détermineront la vitesse d’avance adéquate. L’engagement radial est le rapport entre la profondeur radiale de coupe (ae) et le diamètre de la fraise (Dc). Plus l’engagement radial de la fraise est grand, plus la vitesse d’avance requise pour produire l’épaisseur de copeau souhaitée est lente. De même, plus l’engagement de la fraise est faible, plus la vitesse d’avance doit être élevée pour obtenir la même épaisseur de copeau. L’angle de coupe de l’arête de coupe influe également sur la vitesse requise. Un angle d’arête de coupe de 90° permet d’obtenir une épaisseur maximale du copeau, ce qui implique d’augmenter la vitesse d’avance si l’angle est plus petit afin d’obtenir une épaisseur de copeau équivalente.
Des arêtes de coupe effilées entraînent des efforts de coupe moindres mais sont plus fragiles que des arêtes arrondies ou chanfreinées. Il est nécessaire de limiter la contrainte mécanique sur l’arête de coupe afin d’empêcher celle-ci de s’ébrécher ou de se casser, et donc d’appliquer des épaisseurs moyennes de copeau moins importantes lorsque des arêtes de coupe de ce type sont utilisées. Dans cette situation, la géométrie de l’arête de coupe utilisée détermine l’épaisseur moyenne de copeau appropriée et vice-versa.
Les opérateurs peuvent s’appuyer sur ces principes et ces méthodes pour des opérations de fraisage de base afin de contrôler les fluctuations d’efforts exercés sur les outils de coupe. Toutefois, les pièces devenant de plus en plus complexes à travailler, même lorsqu’il s’agit simplement d’arrondir la pièce, il est matériellement impossible de modifier manuellement la vitesse d’avance afin de conserver l’épaisseur moyenne de copeau recommandée. Pour ces cas comme pour d’autres, y compris les opérations de fraisage à 5 axes extrêmement complexes, les fabricants de logiciels de FAO et d’équipement CNC de pointe ont développé des techniques comme le fraisage trochoïdal et le pelage, ainsi que des programmes de maintien du chemin de l’outil et de l’engagement de l’outil tels que Dynamic Milling, Volumill ou Adaptive Clearing. Ces logiciels et moyens de contrôle de la machine constituent les dernières évolutions des concepts de base régissant la gestion de la pénétration de l’outil, de son dégagement et du contrôle de l’épaisseur des copeaux, de manière à maîtriser les effets des variations constatées lors du processus de fraisage intermittent sur l’outil de coupe.
Les fabricants emploient des machines et des outils de fraisage depuis plus d’un siècle afin de produire des milliers de pièces différentes en grande quantité avec un niveau de qualité élevé. Le processus de fraisage de base est resté le même depuis, à savoir utiliser une fraise rotative sur une pièce pour usiner une surface.
La nature variable du processus de coupe est également restée la même.
Les machines à fraiser et l’outillage correspondant ont considérablement évolué. Pourtant, la plupart de leurs utilisateurs ne tirent pas pleinement parti des progrès techniques accomplis. En tenant compte de l’interaction de la pièce à usiner et de l’outil afin de réduire les contraintes fluctuantes produites au cours du processus de fraisage, les fabricants peuvent se rapprocher d’un triple objectif difficile à atteindre : productivité, qualité et durée de vie de l’outil maximales.