Savoir être patient, vérifier la capacité décisionnelle de son interlocuteur, nouer des partenariats... Lors d’une conférence organisée par Baker Tilly France dans le cadre de son partenariat avec la DFCG et animée par Pascal Ferron, associé, Jean-Charles Simon, avocat associé du cabinet éponyme, a expliqué comment les entreprises françaises doivent s’y prendre pour faire des affaires avec les Chinois.
Quel que soit le degré d’implication actuel d’une entreprise avec la Chine et les Chinois - qu’elle soit déjà présente sur leur marché, simplement sur le point de s’y développer ou que les Chinois l’aient approchée afin de nouer un partenariat ou d’y investir -, le contexte et les manières de négocier avec les Chinois évoluent très vite, à l’image de ce territoire gigantesque.
La Chine a connu une période de très forte croissance ces deux dernières décennies, autour de 7 %. Aujourd’hui elle tourne autour de 5 %, avec une prévision à 4 % à l’horizon 2020-2030. Les Chinois des campagnes sont arrivés massivement dans les villes, dont certaines, rappelons-le, ont une population équivalente à la moitié de la France. Aujourd’hui, le secteur manufacturier n’est plus aussi attractif, le développement des villes se ralentit, les salaires ont beaucoup augmenté ; la Chine a besoin de se stabiliser. Des réformes sont nécessaires pour accompagner ces évolutions structurelles de l’économie chinoise et corriger les déséquilibres accumulés lors de cette phase de très forte croissance. Le dernier plénum du Parti communiste chinois qui vient de se terminer au mois d’octobre 2015 confirme la mise en place des réformes. Les entreprises doivent faire évoluer leur organisation.
À ce jour, environ 1500 entreprises françaises sont implantées en Chine et 200 entreprises chinoises sont présentes en France. L’essentiel du flux économique de la Chine vers la France concerne les grandes entreprises françaises, dont certaines n’excluent pas d’accueillir dans leur capital une société chinoise. Les sociétés d’Etat chinoises viennent investir en France. Les entreprises privées chinoises, quant à elles, viennent notamment chercher en France les technologies qui peuvent leur donner un avantage concurrentiel dans leur pays.
Les entreprises françaises qui veulent aller en Chine doivent disposer de moyens humains et financiers nécessaires, et savoir que la démarche prendra plusieurs années, au moins deux à trois ans, avant de se stabiliser.
Elles doivent également savoir que le partenariat avec des entreprises chinoises est certainement aujourd’hui la solution la plus sécurisante pour initier son implantation. Car certes, la Chine s’ouvre au monde, mais selon Jean-Charles Simon : « Nous pensons que l’étau va se resserrer maintenant que la Chine accueille le monde. Elle protège son marché et son territoire. Même si les investissements sont plus ouverts, ne nous y trompons pas, c’est aussi pour mieux les contrôler. »
Certes, le fossé culturel existe entre la Chine et la France, mais il est tout à fait possible de bien s’entendre avec les Chinois, à condition, dans un premier temps, quand on est en Chine, de mettre de côté notre propre culture, et de faire en sorte que notre comportement s’inscrive au mieux dans la culture chinoise.
Les 6 conseils pour faire des affaires avec des Chinois :
1. Avoir une équipe culturellement (conseils opérationnels) et juridiquement (avocats chinois) adaptée.
2. Valider la qualité et la capacité de l’interlocuteur à prendre la décision.
3. Etre conscient que toute négociation, quelle qu’elle soit, prendra du temps.
4. Négocier en partant du général au particulier en créant des étapes contractuelles qui préciseront progressivement la nature et la portée des engagements.
5. Etre conscient des limites de la portée d’un contrat (la force obligatoire relative du contrat...).
6. S’assurer de l’origine des fonds et de la qualité de ses partenaires dans les opérations Chine-France.
Créer du lien est essentiel pour les Chinois. Avoir des amitiés politiques est une nécessité, pour ouvrir des portes. Et attention, les codes varient d’une région à une autre. Travailler avec quelqu’un qu’on connaît et avec lequel on est en confiance sera toujours privilégié, même si un autre partenaire paraît plus compétent. Autre posture clé : le respect mutuel.
Autre conseil : pour donner son opinion, mieux vaut... ne pas la donner ! Ou alors à la fin d’une discussion, d’une manière très nuancée...
Toutes les entreprises n’ont pas besoin d’un partenaire ; en revanche, plus l’activité est difficile et réglementée, plus le partenariat s’impose.
Attention à bien vérifier la fiabilité de votre partenaire, sa fiabilité financière bien évidemment avant tout. Mais surtout, il faut déceler si votre interlocuteur a bien le pouvoir décisionnaire. On a déjà vu des cas où des négociations duraient plusieurs semaines avant que l’entrepreneur français s’aperçoive qu’il ne discutait pas avec la bonne personne.
L’important est également de comprendre ce qu’on pourrait définir comme une certaine « souplesse » contractuelle. Avec les Chinois, un contrat sera discuté jusqu’au dernier moment (y compris deux heures avant le décollage de votre avion pour vous mettre la pression...), car ce qui était équitable il y a un mois peut leur paraître ne plus l’être aujourd’hui. Lorsque le contrat n’est plus adapté, on le rediscute.
En revanche, dans l’autre sens, quand les Chinois viennent en France, il faut rester ferme et imposer notre vision de la relation contractuelle. En France, un contrat signé est ferme, doit être exécuté, et ils doivent l’accepter.
Les secteurs à fort potentiel restent l’industrie chimique, l’assurance et la banque, la haute technologie, les énergies renouvelables, l’environnement. De nombreux autres secteurs présentent des opportunités importantes :
Efficacité énergétique
Smart GRID (dénomination pour un réseau de distribution d’électricité "intelligent" - Transports, distribution et gestion des réseaux électriques)
Mobilité urbaine durable (tramways, car sharing, métros)
Qualité de l’air et de l’eau
Nourriture, agroalimentaire
Cosmétique
Santé, services à la personne
En matière d’assurance par exemple, l’assurance des personnes et l’assurance vie en sont à leurs débuts en Chine. Les plus grands assureurs chinois veulent s’y mettre et sont preneurs des expériences des assureurs français. Suite à la visite du président Hollande, trente accords ont été signés, orientés vers l’économie verte et renouvelable, incluant les hautes technologies.. Quant aux domaines de la santé et des services à la personne, ils sont immenses : une maison de retraite, en Chine, peut compter 2 à 3000 pensionnaires...
Pour Pascal Ferron : « Travailler avec des Chinois suppose sans doute plus qu’ailleurs une très forte capacité d’adaptation. Il y a encore quatre ans, l’un de nos associés en Chine nous demandait surtout des sociétés françaises avec des produits de luxe, de grands vins, etc. Aujourd’hui, ils sont déjà tournés vers la santé, les nuisances environnementales et le médical. Tout bouge très vite mais il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. Avec les Chinois, peut-être plus qu’avec d’autres hommes d’affaires, il convient de s’imprégner tranquillement de la culture, de s’entourer de conseils professionnels adéquats afin de trouver les bons partenaires. Et surtout être patient, donner le temps au temps.... Toujours faire croire, en négociation, qu’on a le temps... »