Le projet, qui conciste à imprimer en 3D des masques de ventilation, se devait d’avoir une large portée et de pouvoir rassembler précision, rapidité et qualité. Des exigences indispensables pour produire du matériel médical.
L’objectif : lancer une opération d’impression 3D à Paris, permettant la conception et l’impression rapide, bon marché et à la demande de matériel médical. Le défi : démarrer à zéro dans un domaine inconnu.
Il était par ailleurs essentiel d’agir rapidement compte tenu du nombre croissant de cas et de la fermeture des usines aux quatre coins de la planète. Grâce au soutien et à la mobilisation de cinquante médecins, ingénieurs, développeurs, entrepreneurs et membres des secteurs public et privé, Covid3D a été lancé en à peine 10 jours.
« Aucun manuel ne vous explique comment imprimer en 3D du matériel médical lors d’une pandémie mondiale, » souligne le professeur Roman Khonsari. « C’était un défi majeur nécessitant un travail juridique considérable. En temps normal, nous n’aurions pas été en mesure de le relever. Nous étions en train de créer un tout nouveau cadre pour l’impression d’équipement médical. »
Le problème n’était pas uniquement lié à la pénurie de matériel médical dans les hôpitaux parisiens, d’après le chirurgien. Face au ralentissement des activités des centres de fabrication américains et chinois et à l’utilisation strictement locale de leur production, le besoin en équipements médicaux ne se limitait plus à ceux utilisés dans le cadre du Covid-19. Des objets d’importance vitale étaient nécessaires, incluant valves, matériel d’intubation, respirateurs, pousse-seringues, masques, et connecteurs médicaux.
Il est important de se rappeler que les objets imprimés et scannés ne sont pas forcément complexes « Nous ne construisons pas les pièces d’un vaisseau spatial ! », commente Roman Khonsari. Toutefois, leur utilisation médicale exigeait les niveaux les plus élevés de qualité, de précision et de sécurité.
Pour se faire les équipes de l’APHP, ont utilisé un scanner 3D, le Artec Space Spider conçu pour numériser de petits objets en haute résolution avec une précision constante et des détails complexes, avec sa technologie de lumière bleue.
Le respect des règles juridiques a représenté le plus gros défi pour l’équipe de Covid3D. « Nous n’en pouvions plus, » souligne le professeur Khonsari. « Nous travaillions nuit et jour sur la qualité de ce que nous imprimions. » Face à l’urgence de la situation, des dérogations ont pu être obtenues pour ce genre d’impression et l’équipe est désormais en règle à condition de respecter un protocole strict.
« Nous devons d’abord prouver que le dispositif en question n’est pas disponible et qu’aucun autre dispositif ne peut le remplacer », explique le professeur Khonsari. Une fois la pénurie établie, l’impression de l’objet n’est autorisée que si le protocole est strictement respecté pour garantir non seulement que l’objet a été imprimé selon des standards satisfaisants mais également qu’il peut supporter un nettoyage et un contrôle qualité sans être détruit. Les techniques de nettoyage médical incluent la stérilisation et la désinfection au moyen de méthodes rigoureuses qui pourraient abîmer les objets fragiles.
En seulement trois semaines, un tout nouveau système a été installé dans l’abbaye de Port-Royal, bâtiment historique voisin de l’hôpital Cochin. Soixante imprimantes 3D y produisent sans discontinuer divers équipements médicaux sous la supervision d’une équipe de cinq ingénieurs se relayant. Les objets imprimés sont séparés en lots de 100. Dans chaque lot, un objet est scanné en 3D avec Artec Space Spider pour contrôler sa qualité.
Les modèles à imprimer sont soit adaptés à partir de scans de dispositifs existants, soit entièrement dessinés par les ingénieurs. Les scans permettent de comparer les objets venant d’être imprimés à leurs originaux.
Si le scan démontre que le nouvel objet répond aux critères de qualité et que les caractéristiques clés de chaque objet sont maintenues, le lot réussit le test de contrôle qualité. S’il échoue, le lot entier est jeté. Pour les dispositifs où la précision des tubes intérieurs est requise, la tomodensitométrie est utilisée conjointement avec Space Spider.
Maintenant que les obstacles juridiques ont été franchis et qu’un protocole a été mis en place, l’équipe est convaincue que son projet peut continuer et elle est prête pour l’avenir. En proposant des objets pouvant être imprimés à faible coût et en grande quantité, elle fournit une nouvelle manière de gérer les situations d’urgence.
Sélim Amrani de CADvision, partenaire agréé d’Artec 3D, affirme que si les technologies 3D peuvent offrir une réponse rapide, la qualité importe davantage. « Au cours des deux premiers mois, beaucoup d’entreprises ont essayé d’apporter leur aide en imprimant des visières ou des valves, commente-t-il. Or, ce genre de pièces ne sont pas si faciles à imprimer. Nous devons respecter des normes spécifiques. » Le scan 3D occupe ainsi le devant de la scène en matière de contrôle qualité.
Pour le professeur Khonsari, il ne s’agit que d’un début. « Dans l’avenir, une solution d’impression 3D similaire pourra être construite dans des zones de guerre ou afin de lutter contre une nouvelle pandémie », souligne le chirurgien. Son équipe a d’ores et déjà été contactée par des organisations françaises et européennes, mais aussi mexicaines et africaines.
Avec la levée progressive des mesures de confinement en France, Roman Khonsari et son équipe anticipent déjà une nouvelle augmentation du nombre de cas dans un avenir proche. « Nos capacités de production sont suffisantes pour que nos hôpitaux puissent compter dessus, souligne le chirurgien. En cas de deuxième vague, nous sommes prêts. »