En explorant les données issues de la cohorte CANTO promue par Unicancer, des médecins-chercheurs de Gustave Roussy et de l’Inserm ont développé un algorithme prédictif de fatigue sévère qui calcule le score de risque lors du diagnostic de ce cancer. Il s’agit d’un outil de prévention personnalisée essentiel pour orienter précocement vers des stratégies de prise en charge ciblées. Les résultats de leur étude ont été publiés dans la revue Journal of Clinical Oncology (JCO).
La fatigue est l’une des principales séquelles liées au cancer du sein. Elle est dite « sévère » lorsqu’elle a un impact majeur dans les activités de la vie quotidienne et contribue à une dégradation importante de la qualité de vie. 35,6 %, 34 %, et 31,5 % des femmes en éprouvent les symptômes respectivement un an, deux ans et jusqu’à quatre ans après le diagnostic. Pour autant, il n’existait à ce jour aucun outil disponible pour aider les cliniciens à la repérer précocement et ainsi mieux prendre en charge ce symptôme invalidant au quotidien.
Une équipe composée de médecins-chercheurs de Gustave Roussy et de l’Inserm, vient de mettre au point un algorithme prédictif du risque d’apparition de fatigue sévère dès le diagnostic d’un cancer du sein et jusqu’à 2 ans et 4 ans après, hors rechute.
Conduite par le Dr Antonio Di Meglio et la Dr Inès Vaz-Luis, oncologues dans le département d’oncologie médicale de Gustave Roussy et chercheurs dans le laboratoire Inserm U981, l’étude vient d’être publiée dans le JCO.
Pour développer ce modèle prédictif, l’équipe a travaillé à partir des données de l’étude CANTO, une vaste cohorte de femmes atteintes d’un cancer du sein localisé (stade 1 à 3), enrôlées dès le diagnostic de la maladie et jusqu’à une période de 4 ans après. L’utilisation de plusieurs échelles et questionnaires (Qualité de vie de l’EORTC), évaluant le besoin de repos par exemple, ont permis aux chercheurs d’établir un score de fatigue global. L’outil a également englobé les différentes composantes de la fatigue qu’elle soit physique, émotionnelle et/ou cognitive.
Sur cette base, les chercheurs ont mis en lumière six principaux facteurs de risques cliniques et comportementaux déterminants d’une fatigue sévère : le jeune âge, en lien avec le statut de la pré-ménopause, un indice de masse corporel (IMC) élevé, le tabagisme, l’anxiété, l’insomnie, et la douleur ressentie avant le début des traitements, ainsi que la fatigue préexistante au moment du diagnostic de cancer du sein. Antonio Di Meglio et Inès Vaz-Luis rapportent également le rôle que joue l’hormonothérapie, surtout sur l’augmentation du risque de fatigue sévère 4 ans après le diagnostic. Plusieurs variables d’intérêt ont été prises en compte pour être intégrées à l’outil, dont l’état clinique de chaque femme au moment du diagnostic, les éventuelles maladies (chroniques) associées, ainsi que le statut marital et le niveau socio-éducatif.
« Cet algorithme prédictif est un précieux outil à destination des cliniciens. Il doit leur permettre d’étudier plus précisément les facteurs de risque liés à ce symptôme invalidant, dont les facteurs comportementaux modifiables et les symptômes concomitants, au moment du diagnostic d’un cancer du sein » explique le Dr Di Meglio.
Les stratégies de prise en charge pourront ainsi être adaptées au cas par cas. Selon leur score et profil personnalisé, les patientes se verront proposer un soutien psychologique, des séances d’activité physique adaptées, de méditation pleine conscience, un accompagnement pour un sevrage tabagique ou encore des conseils nutritionnels. L’objectif est d’anticiper et personnaliser les parcours de soins dans une approche holistique du cancer.