Ces résultats ouvrent la voie au suivi digital de ces malades, et positionne Gustave Roussy comme un des leaders et pionniers sur l’importance du recours à l’innovation numérique pour assurer une meilleure sécurité et qualité de suivi des patients traités pour un cancer. Plus globalement, ils posent la première pierre de la digitalisation généralisée des parcours patients telle que le projet stratégique institutionnel 2030 de Gustave Roussy l’a définie.
L’étude est publiée le 25 avril 2022 dans la grande revue Nature Medicine.
De nombreux patients atteints de cancer nécessitent un traitement au long cours. Parmi ces traitements, les thérapies orales font partie des avancées thérapeutiques majeures. Pour certains cancers, elles sont même devenues le standard de traitement. Ces traitements anticancéreux oraux impliquent de renouveler les prescriptions en pharmacie de ville afin d’éviter aux patients de fréquentes venues dans leur centre de traitement. Ce maintien « hors les murs » de l’hôpital réclame un suivi à distance adapté afin de suivre la tolérance des traitements. L’intensité de dose effectivement reçue par le patient (dose intensité relative ou RDI) est également un enjeu majeur avec les anticancéreux oraux car 15 % des patients suspendent momentanément leur traitement ou réduisent les doses qui sont pourtant nécessaires pour soigner leur cancer.
Diminuer le risque lié aux effets secondaires et augmenter le taux de RDI par un lien plus soutenu avec des patients éloignés de l’hôpital représentait tout l’enjeu du dispositif CAPRI. Il s’agissait de renforcer le suivi digital à travers un partenariat entre les professionnels hospitaliers et de ville, grâce à une communication avec et autour du patient. L’objectif de l’étude clinique randomisée de phase IIII était de déterminer si une intervention combinant un système de suivi à distance, piloté par deux infirmières de coordination et une application portail/smartphone en plus des soins habituels, améliorait la prise en charge des patients comparativement au suivi classique sur une durée de 6 mois.
Sur 559 patients évaluables, la dose intensité relative a été plus élevée dans le bras avec le suivi digital (93,4 %) par rapport au suivi classique (89,4 %) de manière statistiquement significative (p=0,04). L’étude a aussi mesuré l’utilité du dispositif CAPRI auprès des patients avec le score PACIC (Patient Assessment of Chronic illness care / Qualité des soins perçue par un patient atteint d’une maladie chronique) qui est plus élevé dans le dispositif CAPRI (2,94) que dans le suivi classique (2,67, p=0,01). Le dispositif a également permis de réduire les durées d’hospitalisation en cours de traitement (2,82 contre 4,44 jours, p=0,02), tout comme le recours aux urgences (15,1 % contre 22 %, p=0,04) et les toxicités les plus sévères (grade ¡Ý 3) liées au traitement (27,6 % contre 36,9 %, p = 0,02).
Ces résultats démontrent scientifiquement et de manière significative qu’un suivi digital à distance des patients atteints de tous types de tumeurs solides à un stade avancé et traités par anticancéreux oraux, améliore conjointement la qualité des soins et l’expérience de ces patients, tout en réduisant les venues à l’hôpital, et qu’il est possible de conjuguer digital et humanité.
Il est important de noter que les infirmières de coordination ont pu gérer 77,4 % des interventions cliniques sans avoir à consulter l’oncologue traitant. Comme le commentent les auteurs de l’étude, « un tel dispositif représente non seulement une avancée technologique utilisant les outils numériques, mais aussi une innovation organisationnelle qui comprend le recrutement d’infirmières avec des compétences cliniques et managériales, et la définition d’algorithmes institutionnellement approuvés aidant à évaluer et à orienter les patients dans leurs parcours ».
Les analyses montrent en outre que le gain économique obtenu par la réduction des venues à l’hôpital du point de vue de l’assurance-maladie permet d’amortir rapidement l’investissement humain et technologique requis, suggérant comme l’explique le Pr Etienne Minvielle, responsable scientifique du programme CAPRI à Gustave Roussy et à l’Ecole Polytechnique, « qu’un modèle économique incluant le coût du numérique et des infirmières de coordination est viable ».
Ce programme, publié aujourd’hui dans une des plus grandes revues spécialisées internationales, répond parfaitement aux attentes des patients et aux besoins des progrès thérapeutiques constitués par les traitements oraux, et apporte une évidence au remboursement de la télésurveillance tel qu’inscrit dans la Loi de financement de la sécurité sociale 2022.
Ces travaux ont été principalement soutenus grâce au mécénat de la Fondation Philanthropia, l’Agence Nationale pour la recherche (ANR), l’Agence Régionale de Santé (ARS) Ile-de-France, les laboratoires Novartis et AstraZeneca.