IFPEN a mené, à l’aide d’outils de modélisation, une analyse prospective sur les technologies à privilégier pour répondre aux enjeux de réduction des émissions de CO2 du transport routier d’ici 2040. L’étude E4T 2040* co-financée par l’ADEME s’appuie sur une approche multi-dimensionnelle intégrant des critères économiques et environnementaux pour l’ensemble des segments du parc routier (véhicules légers, véhicules utilitaires légers, poids lourds, bus et deux roues). Si la voiture électrique va s’imposer pour les véhicules légers, les solutions sont plus ouvertes pour les véhicules lourds.
Les résultats des simulations de l’étude placent le tout-électrique comme la solution la plus pertinente pour les voitures individuelles, aujourd’hui, et plus encore en 2040, tant sur le plan économique qu’environnemental.
Si l’on raisonne en coût total de possession**, les véhicules électriques (VE) à batterie sont aujourd’hui compétitifs pour le véhicule léger, à condition que la batterie ait une capacité inférieure à 60 kWh. Dans ce cas, avec une aide à l’achat et étant donné un coût d’utilisation faible, il est possible d’en amortir le surcoût par rapport à un véhicule thermique. La durée d’amortissement sera encore plus courte dans le futur, au fur et à mesure des améliorations techniques et des baisses de coûts et d’impacts de la fabrication des batteries. Par ailleurs, le recours à des batteries de capacité limitée imposera l’utilisation de véhicules plus sobres en énergie pour maintenir une autonomie suffisante, notamment une baisse des pertes aérodynamiques et de la masse des véhicules.
Les architectures électriques sont également les plus sobres énergétiquement, en raison des rendements élevés de leurs composants et de la possibilité de récupérer une grande partie de l’énergie cinétique sur les phases de décélération. En 2040, avec les progrès encore attendus sur la densité énergétique et la masse des batteries, à type de véhicule équivalent, la consommation des VE devrait diminuer d’environ 30 % par rapport à 2020.
L’avantage environnemental du VE dépend néanmoins du mix électrique : si le bilan est très favorable en France compte tenu de la part du nucléaire et de l’utilisation croissante des EnR dans le mix, il l’est moins si l’on considère le mix moyen européen, beaucoup plus carboné.
En se basant sur un prix de vente en station de l’hydrogène entre 4 et 6 euros le kilo (électrolyse et mix électrique français peu carboné) à horizon 2040, la technologie de la pile à combustible (PàC) à hydrogène reste peu compétitive pour les véhicules légers à cette échéance, en raison de coûts d’acquisition et opérationnels élevés.
De son côté, la solution hybride rechargeable offre un réel intérêt environnemental et énergétique pour les véhicules légers, à condition de maximiser l’usage électrique afin d’amortir l’impact de la batterie (que ce soit en termes de coût ou d’émissions produites lors de sa fabrication). Cela nécessite une recharge très régulière de la batterie afin de favoriser le mode électrique. L’utilisation de motorisations hybride rechargeable et de biocarburants peut s’avérer ainsi tout aussi intéressante que la solution tout électrique.
Enfin, pour le deux-roues motorisé, l’électrique apparait comme la meilleure solution au niveau environnemental et économique. C’est vrai dès aujourd’hui, et plus encore en 2040. Ce choix de l’électrique s’explique par les contraintes de masse et d’espace des deux-roues, qui par nature, ne peuvent être équipés que de petites batteries, plus compétitives et sobres énergétiquement.
Pour le transport de personnes, le bus électrique constitue la solution la plus vertueuse sur le plan environnemental en 2020 et en 2040, mais il est actuellement plus cher que le bus à moteur thermique (environ 20 à 30 % de plus en coût total de possession). Le bus à hydrogène, quant à lui, reste moins performant sur le plan environnemental que l’électrique, ce qui est dû notamment à une consommation importante d’hydrogène et à l’impact de la fabrication de la pile à combustible et du réservoir. Cependant, la solution hydrogène va gagner en compétitivité économique d’ici 2040. Enfin, le bioGNV, gaz produit à partir des déchets, est un très bon candidat pour les bus.
Pour les véhicules utilitaires légers (3,5t), le gaz naturel et l’électrique sont, aujourd’hui, les alternatives aux véhicules thermiques Diesel les plus pertinentes économiquement. En 2040, les véhicules électriques à batterie deviendront les plus compétitifs, étant déjà les plus pertinents sur le plan environnemental. L’hydrogène est également bien positionné tout comme la solution bioGNV qui sera compétitive et viable à grande échelle à l’horizon 2040. Selon Bertrand-Olivier Ducreux, ingénieur Transport et Mobilités à l’ADEME, « la réponse optimale à la grande diversité des usages des véhicules utilitaires légers (messagerie, artisan) pourra s’appuyer sur plusieurs solutions nouvelles de motorisation : l’électrique dès que le besoin en autonomie le permet, ou l’hydrogène si la mission nécessite un rayon d’action plus important. »
Pour les poids lourds routiers, la parité coût total de possession entre une motorisation thermique et une motorisation électrique à batterie sera atteinte entre 2025 et 2035, suivant l’autonomie visée et la capacité de la batterie. Sur ce segment, c’est la taille de la batterie qui est problématique, en raison de l’autonomie nécessaire selon le type d’usage. Enfin, en 2040, la solution PAC hydrogène présentera un impact environnemental intéressant mais son coût restera élevé.
« Pour le transport de marchandises, nous allons sortir de la solution universelle carburant pétrolier pour aller vers un spectre de solutions en fonction des différents usages : l’hydrogène ou les biocarburants pour les besoins de forte autonomie, et l’électrique à batterie pour les transports moins contraints », précise Cyprien Ternel, Chef de projet à IFPEN.
Avec l’interdiction des ventes des véhicules thermiques émettant des gaz à effet de serre en 2035, l’électrique et l’hybride rechargeable devraient rapidement s’imposer dans le parc automobile français. Toutefois, atteindre, en moins d’une décennie, les objectifs européens de baisse de 55 % des émissions de CO2 semble difficile. « D’après les résultats de l’étude, même dans le cas du scénario le plus favorable à la vente de véhicules électrifiés, les objectifs du Green Deal (-90 % d’émissions de CO2 du parc en 2050 par rapport à 1990) ne sont pas atteints » analyse Bertrand-Olivier Ducreux. La technologie ne suffira pas, il faudra également changer nos comportements de mobilité et d’achat automobile. En effet, l’étude montre qu’une évolution à la baisse de la demande de véhicules neufs, sans rupture dans les choix de modes de déplacement et sans optimisation de l’utilisation des véhicules, a peu d’impact sur la décarbonation du secteur automobile.