L’optimisation de l’efficience des installations de biométhane est un enjeu majeur de la filière. Cela passe notamment par la fourniture d’intrants (déchets, notamment agricoles) et la mutualisation de la production afin d’atteindre un seuil critique. Il s’agit de trouver le bon équilibre entre les contraintes en termes de sécurité des installations et des opérations (transport de gaz et transports d’intrants), diversité des intrants, investissement capitalistique et poids sur le réseau en termes du nombre de points d’injection. En France en 2018, la taille moyenne des installations françaises de traitement du biogaz était de 340 Nm3/h contre 937 Nm3/h en moyenne en Europe. Les tarifs d’achat de fin 2020 s’appliquent pour les installations de moins de 300 Nm3/h alors que les coûts de raccordement d’une installation ne devraient être pris en charge qu’à hauteur de 40% par le producteur. Que cela soit sur son existant ou sur les modèles d’aides à la filière, la France se positionne donc sur une production décentralisée avec des installations de taille réduite.
Un autre enjeu majeur est la sécurisation des investissements. Le gaz a pu être considéré comme un point d’accroche dans les discussions européenne sur la taxonomie. D’abord, parce qu’en tant qu’« énergie fossile la moins polluante », il est considéré comme un outil crédible pour assurer la transition. De plus, le gaz naturel partage ses usages en aval de la chaîne de valeur avec le biométhane, une énergie renouvelable et bas carbone crédible avec 44,4 gCO2eq/kWhPCI. L’estimation citée est même parfois de 23,4 gCO2eq/kWh PCI. Ainsi, sur la partie transport, une partie des militants opposent l’impossibilité de distinguer d’où vient le gaz utilisé dans les stations GNL, ce qui ne permet pas de les placer dans une taxonomie ambitieuse.
Avec la proposition actuelle considérant le gaz comme énergie de transition et l’inclusion jusqu’à 2030 (permis de construire) de critères atteignables pour l’industrie (270 g de CO2 par kWh sur le remplacement d’infrastructures polluantes), les investissements dans ces usages, notamment la partie transport sont en partie indirectement sécurisés.
En réponse aux fortes inquiétudes de la filière à la suite des annonces de réévaluation des tarifs d’achats, la loi Climat et Résilience du 22 août 2021 prévoit l’introduction d’un nouveau de mécanisme de financement : les Certificats de Production de Biogaz (CPB). Les fournisseurs d’énergie qui commercialisent actuellement du gaz devront acquérir (achat ou production de biogaz en propre) et restituer en fonction de la quantité commercialisée ces certificats à l’Etat.
Le taux de réfaction, qui doit passer à 60% (de 40%), est le financement par l’ensemble des consommateurs de gaz des coûts de raccordement d’une installation de biométhane au réseau.
Bien que les tarifs d’achat du biométhane soient fixés en fonction de la taille et de la nature de la production de biométhane -type d’installation et nature des intrants-, les niveaux de rentabilité restent variables en fonction des installations.
Une étude de la CRE (fin 2018) détermine une rentabilité moyenne avec les subventions effectivement perçues à 11% (effet moyen des subventions de 3,2 points). Le tarif d’achat actuel varie entre 69 et 134€/MWh, et est limité aux installations dont les volumes de productions sont inférieurs à 300Nm3/h. Depuis fin 2020, cette politique de tarifs d’achat vise à favoriser les appels d’offre pour les installations plus grandes, alors que les installations françaises sont historiquement de plus petites tailles que la moyenne européenne.
L’objectif avec cette politique de tarifs de référence (moyenne autour de 100€/MWh en France) est donc d’encourager la réduction des coûts de production moyens sur le biométhane à 75€/MWh PCS en 2023 et à 60€/MWh en 2030, avec un mécanisme de soustraction éventuelle de 5€/MWh en fonction des subventions ADEME touchées.
Il s’agit ici de la distinction entre biogaz et biométhane.
Le biogaz est produit par une fermentation méthanogène et sort du méthaniseur. Sa forme épurée est le biométhane et est injectable dans le réseau de gaz naturel. Cette épuration consiste à séparer le CH4 et le CO2. Ce CO2, biogénique à cycle court(1), neutre pour le climat, est rejeté dans l’atmosphère. Le valoriser est donc un levier de gains économiques. C’est également un moyen de capter une partie résiduelle de CH4 jusqu’alors perdue, et donc d’améliorer un bilan carbone déjà bon.
En 2020, environ 70% de la demande de CO2 est tirée par l’industrie agroalimentaire. Cette demande ne peut pas être traitée par le CO2 de l’épuration du biogaz. Il reste donc un marché cible pour la valorisation représentant 30% de la demande qui est destinée aux autres secteurs (glace carbonique non alimentaire, serres agricoles) ainsi les usages émergents parmi lesquels la production d’algues, des e-fuels et la méthanation.
Dans une logique de valorisation énergétique, la méthanation est une technologie Power2gaz permettant de produire du CH4 à partir d’électricité, potentiellement renouvelable. Par électrolyse, on produit de l’hydrogène puis du méthane par hydrogénisation du CO ou CO2. Ici, ce CO2 serait lui-même issu de l’épuration de biogaz et donc d’un procédé de méthanisation.
Au niveau de la production, additionnellement à de nouveaux acteurs comme Waga Energy, start-up basée sur une technologie innovante, et les exploitations agricoles autonome et territorial (78% des installations), Engie et Dalkia ont des entités dédiées Engie Bioz et Dalkia Biogaz, respectivement 20 et 25 unités de production en exploitation. Dès 2015, Dalkia a enrichi son offre de solutions avec l’acquisition de 100% de Verdesis.
Début 2021, Total annonce l’acquisition du français Fonroche Biogaz, un leader de la filière française alors détenteur de 10% du marché de la méthanisation agricole avec un portefeuille de 500 MWh. L’ambition affichée est de décarboner une partie du gaz naturel. Pour rappel, Total est N°2 du GNL mondial, avec pour ambition d’augmenter la part du gaz dans les ventes jusqu’à 50 % en 2030. En France, la vente de gaz naturel sera soumise par la loi Climat et Résilience à la restitution de CPB à l’état.
L’intérêt croissant pour le biométhane par les grands acteurs pourrait donner un nouveau souffle à la filière avec des exigences de tailles et de rentabilité nouvelles.