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L’imagerie thermique permet de voir au-delà de la surface des ailes de papillon

Publication: Septembre 2022

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Il s’avère que les papillons sont aussi beaux vus par une caméra thermique qu’à la lumière naturelle...
 

Des chercheurs de Columbia Engineering et Harvard University publié une étude dans Nature qui s’intéresse aux propriétés thermodynamiques des ailes des papillons et à l’importance du refroidissement radiatif pour que ces délicates structures puissent voler. Nanfang Yu, professeur associé de physique appliquée à Columbia, décrit la façon dont l’imagerie a joué un rôle important pour l’étude.

« C’est la façon la moins invasive de mesurer la température, » explique Yu. Au cours de l’étude, l’équipe a identifié les structures vivantes complexes des ailes des papillons qui contribuent habilement à la thermorégulation. Avec une caméra thermique comme la FLIR T865, « vous commencez par voir le squelette du papillon, » ajoute Yu. « C’est presque comme une radiographie : vous voyez la structure, les veines des ailes, la membrane... toute la section transversale de la matière des ailes. » Avec une caméra thermique, les couleurs vives et les motifs d’une aile de papillon disparaissent, et sont remplacés par la structure sous-jacente de l’aile.

Les structures vivantes des ailes (veines des ailes, coussinets odorants/taches) ont une émissivité élevée pour faciliter la dissipation thermique via la radiation thermique. Crédit photos : Nanfang Yu et Cheng-Chia Tsai.

Des études précédentes des ailes de papillon se sont limitées à l’utilisation de matériel tel que des thermocouples pour mesurer la température. Même les plus petites sondes sont grosses par rapport à l’épaisseur d’une aile de papillon, et l’action même de mesure de la température peut avoir un impact sur la température locale. Les mesures effectuées uniquement point par point peuvent encore rajouter des inexactitudes supplémentaires. Avec une caméra thermique, « vous pouvez mesurer et cartographier l’ensemble de la répartition de la température », explique Yu. Son équipe a pu visualiser et mesurer la différence de température entre les veines des ailes, la membrane et d’autres structures telles que les coussinets odorants. Elle a découvert que les zones des ailes de papillon qui contiennent des cellules vivantes (veines des ailes) ont une émissivité thermique plus élevée que les régions « sans vie » de l’aile (la membrane).

« Cette technique d’imagerie nous permet d’examiner les adaptations physiques qui dissocient l’apparence visible de l’aile de ses propriétés thermiques, » a déclaré Yu dans un article de Columbia Engineering. « Nous avons découvert que différentes nanostructures des écailles et des épaisseurs de cuticules non uniformes engendrent une répartition hétérogène du refroidissement radiatif (dissipation thermique par radiation thermique) qui réduit de manière sélective la température des structures vivantes telles que les veines des ailes et les coussinets odorants. »

Mesurer la température des ailes de papillons avec l’imagerie thermique n’est pas si simple. « Le défi dans le cas de l’aile de papillon, c’est que la caméra thermique vous donne un relevé de température, mais que vous ne pouvez pas vous y fier, » explique Yu. « L’aile de papillon est semi-transparente à la lumière infrarouge, ainsi lorsque vous regardez une aile de papillon avec une caméra thermique, vous ne recevez pas uniquement la radiation thermique de l’aile elle-même, vous recevez également la radiation thermique générée par l’arrière-plan derrière le papillon. » Un phénomène similaire peut être observé avec une fine feuille de plastique, comme un sac en plastique pour les courses, qui, tout comme une aile de papillon, est opaque à la lumière visible, mais transparente à la lumière infrarouge.

Les matériaux très fins tels qu’un sac en plastique ou une aile de papillon peuvent être transparents à la lumière infrarouge. Pour obtenir un relevé réel de la température d’une aile de papillon, l’équipe de Yu a dû quantifier l’émissivité et la réflectivité de l’aile et soustraire de leurs mesures ces sources de température d’arrière-plan.

En plus de cartographier la répartition thermique des ailes de papillon, les chercheurs ont également effectué des études comportementales avec observation à la caméra thermique. À l’aide d’une petite lumière comme source de chaleur, ils ont démontré que les papillons utilisent leurs ailes pour sentir le sens et l’intensité de la lumière du soleil. À la température de « déclenchement » d’environ 40 °C, toutes les espèces qu’ils ont étudiées se tournaient en quelques secondes pour éviter la lumière et empêcher leurs ailes de surchauffer.

Les ailes de papillon sont équipées de capteurs mécaniques qui détectent le sens et l’intensité de la lumière. Ici, le papillon bouge rapidement pour empêcher ses ailes de surchauffer. Crédit photos : Nanfang Yu et Cheng-Chia Tsai

Ce n’est pas la première fois que Yu utilise une caméra thermique pour étudier les insectes. « Lorsque j’ai rejoint Columbia en 2013, la caméra FLIR était un des premiers équipements que j’ai achetés pour installer mon laboratoire, » a déclaré Yu. Bien que ses recherches se concentrent principalement sur la nanophotonique, Yu s’intéresse particulièrement au rapport entre la biologie, la photonique et la physique. Quant à ses amis du domaine de la biologie, « ils me posent souvent des questions sur l’histoire des animaux qu’ils étudient... D’un point de vue physique et photonique, les aider à résoudre ces mystères m’intéresse beaucoup. »

Dans une collaboration précédente avec un collège nanobiologiste, Yu a étudié les fourmis argentées du Sahara, qui creusent pendant les heures les plus chaudes de la journée dans un des environnements terrestres les plus chauds de la planète. Dans cette étude, publiée dans Science en 2015, les chercheurs ont également utilisé une caméra FLIR pour applications scientifiques afin de contrôler la température corporelle des fourmis. Ils se sont demandé comment des insectes aussi petits pouvaient survivre dans des conditions aussi difficiles. « Ce qui m’intéresse ici, c’est de comprendre comment des insectes aussi petits et légers (de minuscules fourmis ou les fines ailes des papillons) se gèrent thermodynamiquement, car par défaut, ils sont très mauvais à ce niveau, » explique Yu. En raison de leur faible capacité thermique, les petits animaux tels que les insectes peuvent chauffer à des températures extrêmes en quelques secondes.

Image infrarouge de papillons de la famille Lycaenidae. L’intensité de la photo est proportionnelle à l’émissivité, c’est-à-dire la capacité à dissiper la chaleur via la radiation thermique. L’image montre que les parties vivantes des ailes ont augmenté leur émissivité thermique. Crédit photos : Nanfang Yu et Cheng-Chia Tsai

Les fourmis argentées gèrent la chaleur extrême à l’aide de poils très fins qui recouvrent leur corps. Ces poils ont deux fonctions : rétrodiffuser la lumière visuelle et les ondes infrarouges pour réduire la quantité d’énergie solaire absorbée et améliorer l’émissivité thermique, afin que lorsque le corps de la fourmi est chauffé, il puisse mieux distribuer la chaleur sous la forme de radiation thermique.

« Nous souhaitions découvrir comment faisaient les petits animaux pour survivre à une chaleur extrême, » explique Yu. Sa dernière étude continue à explorer la façon dont les petits insectes se refroidissent. Les ailes des papillons sont couvertes de capteurs mécaniques qui leur permettent de détecter la surchauffe et les écailles de leurs ailes contiennent des nanostructures qui permettent de faciliter le refroidissement radiatif. En dehors de l’intérêt biologique de ces découvertes, Yu considère qu’elles pourraient être source d’inspiration pour la conception de nanostructures résistantes à la chaleur et d’aéronefs à détection de chaleur.

L’imagerie thermique permet de révéler comment des papillons, comme ce porte-queue du caryer, parviennent à ne pas surchauffer. En fait, la membrane entre les veines des ailes est plus chaude que le reste de l’aile, mais semble plus froide parce qu’elle est semi-transparente et se trouve sur un arrière-plan froid. Crédit photos : Nanfang Yu et Cheng-Chia Tsai

Yu et sa collègue, Naomi E. Pierce, professeur de biologie, ont l’intention de poursuivre cette recherche sur les ailes de papillons. Pierce est la curatrice des Lepidoptera au musée de zoologie comparée à Harvard, et a accès à une grande collection de papillons diurnes et nocturnes. Ils effectuent actuellement une analyse étendue de la collection à l’aide d’une caméra thermique et espèrent mieux comprendre les facteurs qui contribuent à la conception d’une aile de papillon. Yu compare ce travail au « déchiffrage d’un livre complexe » en raison des nombreux éléments divers qui ont joué un rôle dans l’évolution de l’aile de papillon. Clairement, c’est un livre qui vaut le coup d’être lu attentivement pour savoir quelles autres découvertes nous pourrions faire.

https://www.flir.com/

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