Dédié à la vision prospective de l’industrie française, l’Observatoire Compétences Industries vient de réaliser une étude sur l’adéquation entre l’offre de formation et les besoins en compétences pour les branches de l’Interindustrie en Ile-de-France qui emploie 650 000 salariés. La restitution de cette étude intitulée « Entreprises industrielles d’Île-de-France : agir et répondre collectivement aux besoins en compétences » va se dérouler le 12 octobre à Neuilly lors d’un colloque rassemblant les partenaires sociaux, les professionnels, les acteurs institutionnels de l’emploi et de la formation autour de trois tables rondes*.
Avec 19,3% des exportations et 27,1% des importations de biens françaises en 2018, l’Île-de-France, constitue une économie puissante au carrefour de l’Europe. Une transformation du paysage industriel de la région va se dessiner pendant les 10 prochaines années et engendrera une évolution forte des besoins en compétences et des stratégies de développement sur le territoire : relocalisations, réduction de la dépendance sur les ressources phares, chartes d’approvisionnement plus éthiques... Autant de chantiers qui constituent une réelle opportunité pour l’industrie d’Île-de-France de montrer sa capacité à être à la fois forte et durable. C’est dans ce contexte que les branches professionnelles industrielles de la région Île-de-France ont sollicité l’Observatoire Compétences Industries afin de construire une lecture des dynamiques en cours, mais également des évolutions des besoins des compétences à travers une liste de métiers interindustriels qui aujourd’hui sont nouveaux ou en tension.
À la suite de l’état des lieux de 26 activités industrielles de la région Ile de France, le comité technique a fait réaliser une analyse plus fine de 20 métiers : Technicien de maintenance industrielle, Data analyst, Opérateur commande numérique, Conducteur d’équipement industriel, Roboticien, Chargé de projet R&D, Chef d’équipe, Ingénieur chargé d’affaires, Ingénieur bioproduction, Technicien bioproduction, Ajusteur monteur, Ingénieur de production, Technicien de fabrication additive, Technicien de conception, Dessinateur-projeteur, Modéliste, Responsable d’unité de production et de planification, Technicien cybersécurité, Technicien méthodes et Régleur.
Une analyse a permis de vérifier point par point les difficultés rencontrées par les entreprises lors de la recherche de candidats et de cette analyse, des points de vigilance ont été soulevés : tout d’abord 1 métier sur 5 n’a pas assez de sortants de formation pour répondre aux besoins des entreprises et c’est le cas du Technicien de maintenance industrielle, du Chargé de projet R&D, du Chef d’équipe, de l’Ingénieur chargé d’affaire, du Technicien de fabrication additive ou de l’Ingénieur bioproduction ; ensuite la plupart des programmes sont à jour et répondent aux demandes des entreprises et certains doivent mieux intégrer des briques technologiques de l’industrie du futur telles que l’informatique industrielle, la maintenance prédictive, la télémaintenance, et la sécurité informatique ou des spécificités notamment sur le marketing et l’industrialisation ; par ailleurs la qualité de l’orientation et de la visibilité des formations notamment sur Internet n’est pas suffisante pour permettre aux candidats potentiels de trouver le parcours adéquat ; d’autre part, l’apprentissage constitue un levier de croissance des effectifs sur certains BTS et BUT et dans ce cadre un développement des programmes en apprentissage et une plus grande implication des PME permettraient de consolider le recrutement d’apprentis ; en outre, les résultats insuffisants de l’insertion à l’emploi de certaines formations sous statut scolaire justifient leur transformation ou le renforcement de leur contenu opérationnel eu égard au nombre d’heures de formation en atelier ; concernant la féminisation, alors que l’on constate un recul sur les 5 dernières années dans les parcours industriels proposés, des plans régionaux et nationaux ciblés sur certains métiers comme la bioproduction, les modélistes, et le data analyst, pourraient porter leurs fruits en complément d’un travail de découverte dès le primaire et le collège ; Enfin, la territorialisation des formations, plutôt sur l’ouest du territoire aujourd’hui, devrait être révisée pour limiter l’appauvrissement du nombre de candidats et améliorer le recrutement sur certains bassins industriels où la formation est quasiment inexistante.
Dans ce contexte, l’hétérogénéité des branches professionnelles présentes dans le périmètre de l’OPCO 2i et participant activement à 2i Île-de-France apparait comme une réelle opportunité pour améliorer l’orientation des jeunes, la qualité des formations et l’intégration de nouveaux projets sur le territoire régional.
Commentant cette annonce, Bertrand PATIER, Directeur Régional Ile de France Opco 2i, déclare : « Alors que les transformations des secteurs industriels vont encore s’accentuer au cours des prochaines années, cette étude permet de déterminer les dynamiques des différentes branches de la région Île-de-France, et d’analyser l’adéquation entre l’offre de formation régionale initiale et continue et les besoins en compétences des entreprises. De ses constats pourront être menées des actions visant à adapter les outils d’accompagnement et de formation aux besoins des entreprises ainsi que de renforcer les parcours professionnels des individus. »
L’étude réalisée par Observatoire Compétences Industries montre que l’industrie en Île-de-France est à un tournant majeur qui se cristallise autour de plusieurs points :
L’intégration massive de nouvelles technologies révolutionne les processus de fabrication - processus de biotechnologies, informatique quantique, impressions rapides, intelligence artificielle… de commercialisation - plateformes de vente, réalités virtuelles et augmentées, nouvelles modalités d’achat… et de gestion - datadécision, administration à distance… ;
De premiers projets donnent des perspectives de futurs débouchés dans l’industrie de l’automobile, du pétrole, de la chimie et de l’énergie balayant les anciens processus industriels et les modèles d’affaires ;
De grandes questions de R&D et d’innovation s’appuient sur des centres de R&D de pointe sur le territoire notamment le plateau de Saclay pour l’informatique quantique ;
Des TPE et PME multiplient les investissements pour mieux intégrer la data comme source de valeur ajoutée des productions et ainsi se diversifier et proposer des produits intégrant des services ;
Enfin, des paris sont à relever pour des transformations encore plus importantes des processus industriels comme dans le recyclage, le pétrole et la chimie. Dans ce cadre, des expérimentations sont en cours d’implantation.
Cependant, l’étude a montré de nombreux plafonds de verre qui limitent aujourd’hui la capacité des entreprises à se développer. Tout d’abord, des difficultés de recrutement sur le territoire dans de nombreux métiers notamment des métiers de production et de maintenance. D’autres métiers vont également bouleverser les entreprises du territoire notamment les métiers de la data, du e-marketing, de l’e-commerce et l’intégration de nouveaux univers de vente. Certaines branches évoquent également des conditions d’implantation difficiles qui limitent les possibilités de développement telles que le prix du mètre carré ou la pression citoyenne… À cela s’ajoutent des perturbations liées aux crises internationales telles que celles de la Covid ou la guerre en Ukraine. Des projections des branches dans les années futures montrent un développement sur tous les métiers de la R&D, de l’informatique/sécurité et dans une moindre mesure du commerce via le e-commerce. Les activités industrielles pouvant avoir une plus forte croissance sont les secteurs de l’électrique, l’électronique et du numérique, de l’industrie électrique et gazière, des services d’efficacité énergétique et de la couture parisienne.
Le profil des contrats et des salariés montre des femmes et des hommes ayant une stabilité professionnelle :
94% des contrats proposés aux salariés sont à temps complet ;
Plus de 9 contrats sur 10 sont à durée indéterminée ;
12% des effectifs des branches sont âgés de moins de 28 ans et 15% des effectifs ont plus de 56 ans ;
37% des salariés sont des femmes mais on note cependant qu’il y a plus de contrats (+11 pts) en CDD chez les femmes et qu’elles sont 36% à travailler à temps partiel ;
Concernant les catégories de métiers, il faut souligner que 51% des emplois sont des cadres et professions intellectuelles. Et dans ce contexte, les principales familles de métiers présentes sur le territoire sont les suivantes :
Les métiers du marketing et du commerce représentent 16,5% sur le territoire, cette sur-représentation étant justifiée par la présence de points de vente, commerces de gros, des directions marketing et du e-commerce ;
Les métiers d’administration et de direction (14,1%) sont très présents sur le territoire, une sur-représentation expliquée par la forte présence des sièges sociaux ;
Les métiers en R&D et dans les laboratoires représentent 11,7% ;
Les métiers d’opérateurs et de monteurs 9,7% des emplois portés par la part importante de fabrication dans les établissements de la région.
Avec plus de 647 500 emplois estimés et 21 490 établissements dans les différentes branches représentées en 2020, la région est fortement industrielle. La place prépondérante de la métallurgie (333 700 emplois) ne doit pas faire oublier une multitude d’autres branches comme celles de l’Industrie pharmaceutique (54 900), de la Chimie (59 500) ou des Industries électriques et gazières (39 300) qui sont également très représentées. Il est bon également de souligner que certaines des branches étudiées sont fortement concentrées en région comme le Recyclage, la Bijouterie, Joaillerie, Orfèvrerie, la Couture et l’Habillement.
Sur la période 2010-2020, l’interindustrie a perdu 24 000 emplois (notamment du fait d’une diminution des activités de fabrication automobile (- 14 700) et dans la distribution d’électricité (- 5 900), dans la production pharmaceutique (- 1 900) et dans la mécanique industrielle et d’autres secteurs de fabrication (-3 400). Ces pertes sont partiellement compensées par des activités en croissance sur le territoire comme l’activité des sièges sociaux, les centres d’ingénierie ou encore la R&D ; 20 activités industrielles concentrent plus de 6500 emplois ; l’activité des sièges sociaux représente 40 000 emplois (6,2%), celles de R&D 28 200 emplois et d’ingénierie intégrée aux sites industriels de 26 000 emplois avec un taux de croissance de plus de 2%. Quant à la construction aéronautique et spatiale, elle représente 27000 emplois en croissance de 1,5%. Enfin les commerces de gros rattachés à l’industrie et présents sur l’Île-de-France rassemblent plus de 7% des activités avec 47 400 emplois en croissance de 0,51%.