Dans un article publié aujourd’hui dans la revue médicale The Lancet Infectious Diseases, la Drugs for Neglected Diseases initiative (DNDi) et Sanofi rapportent avoir observé des taux de succès thérapeutique allant jusqu’à 95 % dans le cadre d’une étude de phase II/III portant sur la sécurité et l’efficacité d’une dose unique d’acoziborole, un médicament expérimental qui pourrait transformer le traitement de la maladie du sommeil. Cet essai clinique a été mené par la DNDi et ses partenaires en République démocratique du Congo (RDC) et en Guinée.
Dr Victor Kande, Ancien conseiller expert sur les maladies tropicales négligées auprès du ministère de la Santé de la RDC, investigateur principal de l’essai clinique et auteur principal de l’article paru dans The Lancet : « La maladie du sommeil est une maladie cauchemardesque qui frappe les personnes vivant dans les régions les plus reculées d’Afrique de l’ouest et du centre, où la distance jusqu’à l’hôpital le plus proche se compte parfois en jours. Nous sommes aujourd’hui sur le point de disposer d’un traitement potentiel, à prendre une seule fois en trois comprimés, ce qui serait une véritable révolution pour les médecins et les populations des régions touchées. »
Transmise à l’homme par la piqûre d’une mouche tsétsé infectée, la maladie du sommeil est mortelle en l’absence de traitement. La première phase de la maladie se manifeste par des maux de tête ou de la fièvre. La seconde phase débute lorsque le parasite franchit la barrière hémato-encéphalique et envahit le système nerveux central, causant des symptômes neuropsychiatriques comme des troubles du sommeil, une confusion, de la léthargie et des convulsions puis le décès.
Le traitement de la maladie du sommeil s’est considérablement amélioré au cours des dix dernières années, grâce aux succès enregistrés par le partenariat qui réunit DNDi, Sanofi, les programmes nationaux de lutte contre la maladie du sommeil de la RDC et de Guinée, l’Organisation mondiale de la Santé, Médecins Sans Frontières (MSF) et d’autres partenaires.
Le nombre de cas de maladie du sommeil signalé ces vingt dernières années a nettement diminué, passant de près de 40 000 cas déclarés en 1998 (auxquels s’ajoutent plus de 300 000 cas non diagnostiqués, selon les estimations), à moins de 1 000 en 2020. Bien qu’il s’agisse là d’une tendance encourageante, la vigilance reste de rigueur car cette maladie peut ressurgir sous la forme de flambées dévastatrices.
Dr Antoine Tarral, Responsable du programme sur la maladie du sommeil de DNDi et co-auteur de l’article : « En simplifiant le paradigme thérapeutique, l’acoziborole pourrait devenir un médicament innovant pour les systèmes de santé qui permettra en outre d’apporter une réponse durable à la maladie du sommeil. Ces nouvelles données nous font espérer que nous allons enfin pouvoir éliminer cette maladie, en ouvrant la voie à une approche axée sur le dépistage et le traitement au niveau des villages. »
Dr Wilfried Mutombo Kalonji, Chef de projet clinique et Directeur médical, DNDi, co-auteur de l’article : « L’acoziborole pourrait avoir un impact majeur sur le traitement de la maladie du sommeil. Il s’agit d’une maladie complexe et les personnes qui en sont atteintes vivent dans des régions très reculées et souvent instables. Des approches thérapeutiques simples sont nécessaires. Nous disposons aujourd’hui d’un médicament unidose prometteur, par voie orale, qu’il n’est pas nécessaire de prendre avec de la nourriture, ne nécessite ni hospitalisation, ni diagnostic complexe ou invasif, ni établissement de la phase de la maladie et dont l’administration requiert une formation minimale. Il est difficile, à bien des égards, de faire plus simple ! »
La Feuille de route de l’OMS pour les maladies tropicales négligées a pour objectif d’interrompre la transmission de la souche gambiense de la trypanosomiase humaine africaine (THA gambiense, dénomination scientifique de la maladie), d’ici à 2030. (La souche gambiense représente 93 % de tous les cas de maladie du sommeil). Dans le cadre de cette stratégie, l’acoziborole pourrait permettre une approche simple dite de « dépistage et traitement », selon laquelle toute personne dont le test sanguin rapide (par simple piqûre au bout du doigt) donne à penser qu’elle est infectée pourrait être traitée par acoziborole, sans qu’il soit nécessaire de réaliser des analyses parasitologiques complexes pour confirmer son diagnostic ou de l’hospitaliser.
Entre 2016 et 2019, DNDi et ses partenaires ont mené une étude de phase II/III, en ouvert, pour évaluer la sécurité et l’efficacité de l’acoziborole chez des patients porteurs de la maladie du sommeil, au premier stade et au stade avancé. Au total, 208 patients ont été recrutés dans dix hôpitaux en RDC et en Guinée.
D’une durée de 18 mois, ce traitement a présenté un taux de succès de 95 % chez les patients présentant la phase avancée de la maladie, ce qui correspond aux meilleurs résultats jamais obtenus dans le cadre d’études portant sur des traitements existants (94 %). De plus, le traitement a été un succès chez 100 % des 41 patients présentant la phase avancée de la maladie, à tous les points retenus pour leur évaluation. Cette étude a montré que l’acoziborole présente un profil de sécurité favorable ; aucun signal de sécurité lié au médicament n’a été rapporté.
Ces résultats pivots formeront la base du dossier que Sanofi soumettra à l’Agence européenne des médicaments (EMA) et représentent une nouvelle étape importante dans les efforts engagés en vue d’éliminer la maladie du sommeil. Dès que l’EMA aura rendu un avis favorable et que ce médicament sera approuvé, Sanofi fera don de lots d’acoziborole à l’OMS par l’intermédiaire de son entité philanthropique, Foundation S – The Sanofi Collective. L’acoziborole est en développement clinique et aucun organisme réglementaire n’a encore évalué ses profils de sécurité et d’efficacité.
Dr Dietmar Berger, Ph. D., Responsable, Développement et Chief Medical Officer, Sanofi : « Sanofi est un partenaire de longue date de DNDi et de l’Organisation mondiale de la Santé et s’engage à leurs côtés dans la lutte contre la maladie du sommeil. Nous tirons parti du savoir-faire unique de notre entreprise en matière de développement, d’enregistrement et de production de nouveaux médicaments innovants pour répondre à d’importants besoins non pourvus et, dans ce cas précis, pour aider l’OMS à réaliser son objectif et à éliminer la maladie du sommeil parmi les populations humaines à l’horizon 2030. »
Dr Mariame Camara, Investigateur principal de l’étude au Centre de traitement de la maladie du sommeil de Dubreka, Guinée et co-auteur de l’article paru dans The Lancet : « De nombreux patients atteints de la maladie du sommeil vivent dans des villages reculés, dans les mangroves le long des côtes guinéennes. Même si nous disposons de bonnes options thérapeutiques, il nous faut néanmoins envoyer les villageois dont le test de dépistage rapide est positif pour la maladie vers un centre de santé afin de confirmer leur diagnostic. L’acoziborole pourrait devenir le premier traitement permettant aux médecins de traiter les personnes infectées sur place, dans leur village, dès lors que leur test rapide se révèle positif. »
Le programme que DNDi consacre au développement de l’acoziborole a bénéficié de subventions des entités suivantes : Fondation Bill & Melinda Gates, UK Aid, ministère fédéral allemand de l’Éducation et de la Recherche (par l’intermédiaire de la banque KfW), Agence suisse pour le développement et la coopération, Médecins Sans Frontières, ministère des Affaires étrangères des Pays-Bas, Agence norvégienne de coopération au développement (Norad), ministère des Affaires étrangères de Norvège (dans le cadre de la contribution de ce pays au partenariat EDCTP2), Fondation Stavros Niarchos, Agence espagnole pour la coopération internationale au développement (AECID), Fondation BBVA (par l’intermédiaire du prix « Frontiers of Knowledge Award in Development Cooperation »).