Aujourd’hui, l’industrie représente 13 % du PIB de la France contre 30 % dans les années 1980. Très malaimée pendant de nombreuses années et touchée par la délocalisation, la filière redevient une priorité pour le gouvernement. Ainsi, avec les plans France Relance et France 2030, le gouvernement veut soutenir des projets industriels innovants, ce qui devrait créer 430 000 emplois à l’horizon 2030 selon une étude publiée par PwC1.
Qui dit création de postes, dit recrutement de talents, en particulier de jeunes actifs. Et cela risque de créer des tensions sur le marché du travail pour deux raisons. D’une part, il y aura en réalité beaucoup plus de postes à pourvoir compte tenu du nombre de départs en retraites prévus. Et d’autre part, pour pouvoir recruter des personnes, il faut qu’elles aient envie de se diriger vers les métiers de l’industrie, en particulier vers des métiers techniques considérés comme peu valorisants, qui sont souvent délaissés au profit des filières générales et des études universitaires jugées comme sûres. Si suivre une formation longue de type Bac+5 ouvre des perspectives dans l’industrie, il est aussi possible d’évoluer dans ce secteur grâce à la Validation des Acquis de l’Expérience (VAE) et des formations internes complémentaires pour se spécialiser. Dès lors, comment s’assurer que les talents répondent à l’appel de l’industrie ?
Le contexte actuel nous annonce autant de bonnes que de mauvaises nouvelles. En 2014, le taux de chômage en France était de presque 10 % quand aujourd’hui il culmine à 6,9 %, et ce malgré une légère remontée conjoncturelle. Un indicateur très positif, car il témoigne de la croissance des entreprises et d’une industrie qui se porte bien. Toutefois, les chiffres de l’Insee viennent ternir cette bonne nouvelle : la part des actifs qui partent en retraite continue d’augmenter alors que la croissance de la population active ralentit et devrait chuter au cours des 50 prochaines années.
Les investissements financiers du gouvernement, aussi conséquents soient-ils, pourraient dès lors se retrouver confrontés à un manque de ressources qualifiées, bien que les opportunités soient pourtant réelles. Il faudra également que le système scolaire réussisse à ramener les jeunes vers les métiers techniques ou leur donner à minima une culture et le goût pour les matières « scientifiques ».
L’industrie française, c’est un ensemble de belles réussites individuelles. Historiquement, elle se caractérise par un mélange de personnes et de savoir-faire venant de diverses origines socio-démographiques. On peut ainsi commencer par des métiers techniques nécessitant peu ou pas de qualifications, puis passer par des métiers d’encadrement, pour ensuite gravir les échelons jusqu’à arriver à des postes de direction. Dans l’industrie, ce genre de parcours n’est pas inhabituel, même s’ils se raréfient, car les jeunes générations optent de plus en plus pour des formations qualifiantes postbac.
C’est dans ce contexte que s’inscrivent les enjeux politiques d’immigration choisie ou pas, évoqués par certains sénateurs, députés et même Roland Lescure, le Ministre délégué chargé de l’industrie. Ouvrir la voie à la régularisation de travailleurs sans-papiers dans les « secteurs en tension » telle que l’industrie rappelle que l’histoire de ces métiers au sens large a été façonnée et s’est enrichie par les différentes vagues d’immigration et par la mixité sociale et culturelle.
L’industrie est au cœur de tout un écosystème économique. Mais l’image qu’elle renvoie n’a peut-être pas évoluée depuis les années 1980, à son âge d’or, juste avant que les mouvements de délocalisation ne viennent démanteler un secteur porteur. En effet, l’industrie participe à faire rayonner la France via ses exportations, mais elle permet surtout de créer de l’emploi à proximité immédiate. À titre d’exemple, il n’est pas rare de voir se créer autour d’une usine des réseaux de transports, des services, de la restauration, des magasins même. Les entreprises du secteur de l’industrie permettent de dynamiser l’attractivité des territoires et de les reconfigurer voire de les revaloriser. Avec les délocalisations industrielles, ce sont ainsi plusieurs autres filières qui ont souffert.
Certes, le monde de l’industrie est une grosse machine et il semble difficile de changer les pratiques. Mais c’est en cours ! La société évolue et les attentes des salariés aussi, notamment en termes de qualité de vie au travail (QVCT). L’industrie s’adapte. C’est d’ailleurs l’un des secteurs les plus à l’écoute en matière de conduite du changement.
Ces dernières années, les acteurs du secteur ont trouvé les moyens d’aider leurs collaborateurs en proposant plus de télétravail, et en leur offrant un nouveau type d’équilibre entre leur vie privée et leur vie professionnelle. Si auparavant les employeurs ne tenaient pas compte des situations individuelles, le challenge global du recrutement a fait évoluer le secteur. L’industrie a notamment compris que pour recruter et garder les talents, il fallait faire des compromis, qu’il s’agisse de réduire les temps de trajets domicile-travail ou de proposer des horaires de travail flexibles, compatibles avec les désidératas des salariés.
Dans l’industrie, on peut réellement faire carrière. Entrer dans ce monde, c’est se réapproprier un temps long pour construire sa carrière, à une époque où rester trop longtemps au sein d’une entreprise est injustement perçu comme de l’immobilisme. Les métiers de l’industrie sont accessibles à tous les niveaux de formation, ils permettent d’apprendre sur le terrain et de se forger son expérience au fil des années. Ce faisant, grâce à cette expérience, aux formations offertes tout au long de la carrière et à la diversité des missions, les collaborateurs ont les ressources nécessaires pour développer de nouvelles compétences, notamment en matière de gestion de projet, et pouvoir évoluer vers des métiers liés au management ou aux besoins stratégiques des entreprises.
Dans cette dynamique, les Ressources Humaines jouent un rôle essentiel : elles sont dotées des outils nécessaires pour rendre cela possible, aider les collaborateurs à se projeter et les accompagner vers la prochaine étape. Dans les faits, le fonctionnement est un peu différent que celui des métiers du service, mais l’approche sait convaincre, car, très peu de collaborateurs quittent l’industrie. En outre, selon toutes les études de rémunération, c’est aussi un secteur dans lequel les salaires sont plus élevés que la moyenne.
Alors pour que les talents aient envie de rejoindre les rangs de l’industrie, continuons de faire connaître et de valoriser ces métiers porteurs de sens pour susciter des vocations comme cela est fait tous les ans à l’occasion de la Semaine de l’Industrie.