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Bilan des défaillances d’entreprises en France en 2023 et perspectives 2024

Publication: 21 janvier

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L’environnement économique est tendu pour les entreprises en 2023...
 

La croissance économique en 2023 est certes limitée (autour de +0,8% après +2,5 % en 2022), mais elle est largement meilleure qu’attendue, et continue pour l’instant de créer des emplois l’inflation, d’abord énergétique, s’est diffusée dans le reste de l’économie par le mécanisme des « effets de second tour » et a eu des conséquences négatives pour la plupart des entreprises (érosion des marges surtout dans les services, restrictions de consommation des ménages notamment dans l’alimentaire) ; face à ce choc inflationniste, les taux d’intérêt ont augmenté très rapidement et très violemment, ce qui a renchéri le coût de financement pour les entreprises, mais aussi pour les ménages, pesant particulièrement sur leur investissement-logement et leurs biens durables ; enfin, le remboursement des PGE s’est poursuivi en 2023, et l’Urssaf a accéléré ses mises en demeure dans certaines régions, surtout depuis septembre 2023.

56 601 défaillances, une normalisation sans rattrapage ?

Compte tenu de ces conditions d’exploitation, les défaillances d’entreprises ont, sans surprise, fortement augmenté en 2023 après une période très atypique. En effet, l’arsenal économique et juridique mis en œuvre pendant la crise covid, le « quoi qu’il en coûte », a évité une vague de défauts (jusqu’à -40% malgré la récession en 2020), brouillant ainsi le signal des défaillances jusqu’à aujourd’hui. BPCE L’Observatoire dénombre 56 601 défaillances* en France en 2023, soit 8% de plus qu’en 2019. Le rebond des défaillances en 2023 n’est-il qu’une simple normalisation (c’est-à-dire un retour au niveau d’avant covid) ou traduit-il un rattrapage des défaillances suspendues par le « quoi qu’il en coûte » ? Pour tenter de répondre à ces questions, analysons la situation des entreprises défaillantes en 2023.

Des indicateurs d’alerte, un rattrapage en cours sur les PME-ETI

Cette évolution s’apparente donc à une normalisation qui peut paraître favorable en première lecture, mais elle dissimule plusieurs signaux d’alerte selon Alain Tourdjman, directeur des études économiques de BPCE, et Julien Laugier, économiste à BPCE :

1. Globalement, la situation s’est nettement dégradée au cours de l’année 2023 puisque, si le nombre total de défaillances au 1er trimestre 2023 restait à un niveau historiquement faible (14 673 évènements), il a accéléré au cours de l’année pour atteindre 16 272 au 4e trimestre (données provisoires), son plus haut niveau pour un 4e trimestre depuis 2013.

2. Par type de défaut, les liquidations judiciaires (cas de défauts les plus extrêmes) sont beaucoup plus fréquentes en 2023 (73% des défaillances contre 71% historiquement) ce qui traduit une létalité plus importante des défauts. Le retour des procédures de liquidation judiciaire au niveau de 2019 s’est manifesté dès le 1er trimestre 2023, alors que celui des procédures de redressement est plus récent (4e trimestre 2023). Ainsi, la situation d’une part croissante d’entreprises était donc dégradée au-delà du point de non-retour, si bien que leur liquidation était inévitable et ce, malgré l’efficacité des campagnes de détection précoce des difficultés des entreprises menées par les pouvoirs publics et les tribunaux de commerce comme en atteste la hausse des procédures préventives et de sauvegarde.

3. Par taille d’entreprise, les défaillances des entités de plus grande taille ont plus fortement rebondi en 2023 et on observe 3 situations différentes selon l’effectif :

1. Les microentreprises et les plus petites TPE (sans salarié, ou employant 1 ou 2 salariés) connaissent plutôt une normalisation des défaillances en 2023 (+2% par rapport à 2019).

2. Les TPE employant 3 à 9 salariés, avec un surcroît de défaillances de 22% par rapport à 2019, connaissent un début de rattrapage des défaillances évitées entre 2020 et 2022.

3. Plus de 4 700 PME-ETI (10 salariés et plus) ont défailli en 2023, soit une progression de 37% par rapport à 2019, cela représente environ 1 300 entités. Cette évolution correspond à un rattrapage d’environ la moitié des défaillances évitées entre 2020 et 2022 (par rapport à la référence de 2019).

4. L’impact en emplois. Sur l’ensemble de l’année 2023, les plus grosses entités (grosses TPE et PME-ETI) ont donc plus fréquemment défailli. L’impact économique des défaillances de 2023 est donc très supérieur à celui de 2019, en particulier en termes d’emplois avec 240 000 emplois menacés en 2023 (soit +25% par rapport à 2019), mais aussi en termes de valeur, de créances, de capital, d’interactions interentreprises… selon Alain Tourdjman et Julien Laugier.

5. Par région, certains territoires se révèlent très vulnérables tandis que d’autres sont épargnés. Le territoire Midi-Pyrénées enregistre un rebond important (+27% de défaillances par rapport à 2019). Aussi, sur le segment des PME-ETI uniquement, les défauts dans les territoires dynamiques comme en Aquitaine et en Poitou-Charentes atteignent des sommets en 2023 (+70% par rapport à 2019). A l’inverse, les territoires les plus épargnés semblent être moins dynamiques économiquement (Lorraine, Basse-Normandie, Bourgogne, Limousin. D’autres facteurs peuvent également expliquer les disparités territoriales, comme le degré de normalisation des recouvrements des Urssaf et aussi les spécialisations sectorielles.

6. Par secteur, à quelques rares exceptions, les secteurs sinistrés ont été exposés aux changements d’environnement survenus en 2023 (inflation, hausse des taux, changement de comportement de consommation des ménages). En particulier, les comportements des ménages constituent le premier facteur affectant les commerces alimentaires, l’agroalimentaire et les services aux particuliers (soins de beauté et corporels, coiffeurs, …), la restauration, les transports routiers de marchandises.

62 000 défaillances prévues en 2024 avec un début de rattrapage des petites entités

En 2024, les défaillances d’entreprises devraient à nouveau progresser et pourraient atteindre 62 000 évènements (+10% par rapport à 2023) selon Alain Tourdjman. Ce scénario central est naturellement soumis à de nombreux aléas, positifs et négatifs, comme l’évolution de l’activité, des taux et de l’inflation, le degré de résilience des entreprises aux remboursements de la dette covid. La typologie des entreprises défaillantes en 2024 devrait changer compte tenu …

- … de l’évolution des forces motrices de l’activité. La situation du commerce de détail, de l’agroalimentaire et des services aux particuliers devrait s’améliorer, alors que les défaillances dans la construction, la restauration et les services aux entreprises devraient s’accélérer en 2024. La situation du secteur industriel (hors agroalimentaire) est plus incertaine en 2024. ;

- … du degré de rattrapage déjà amorcé en 2023. En effet, les défaillances s’accélèreraient sur les plus petites entités qui n’amorceraient leur rattrapage qu’en 2024, alors qu’elles se stabiliseraient côté PME et ETI. Ainsi, le nombre d’emplois menacés par les 62 000 défaillances attendues en 2024 ne devrait pas déraper très au-delà du niveau déjà très élevé de 2023 (autour de 250 000 emplois menacés en 2024).

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