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Les cellules géantes immunitaires : découverte d’un nouveau biomarqueur pronostique

Publication: 9 novembre

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Jusqu’alors, la présence de macrophages exprimant TREM2 dans une tumeur était associée à un mauvais pronostic...
 

Les travaux menés au sein du laboratoire du Pr Florent Ginhoux par Grégoire Gessain, interne en pathologie à Gustave Roussy, démontrent que dans le cas des carcinomes épidermoïdes ORL, la présence d’un type particulier de cellules immunitaires, des macrophages géants exprimant TREM2, est un facteur de bon pronostic. Ce nouveau biomarqueur pourrait à terme aider les oncologues à personnaliser la prise en charge des patients.

Les carcinomes épidermoïdes sont l’un des types de cancers les plus courants, pouvant affecter plusieurs organes. Ils représentent environ 90 % des cancers ORL, et se développent à partir des muqueuses de la bouche, des amygdales, du pharynx ou bien du larynx. En 2020, 890 000 nouveaux cas de carcinomes épidermoïdes ORL ont été recensés à l’échelle mondiale, avec une incidence en augmentation. D’ici à 2030, 1,08 million de nouveaux cas par an sont attendus. Environ 50 % des patients atteints par cette pathologie sont victimes de récidive ou de métastase à distance dans les trois années suivant le diagnostic, soulignant le besoin de nouveaux biomarqueurs pronostiques pour mieux orienter les décisions thérapeutiques.

« Lors de mon internat en anatomopathologie ORL à Gustave Roussy, je prenais en charge de nombreux patients atteints de carcinomes épidermoïdes ORL, dont l’analyse microscopique de leur pièce opératoire révélait la présence de grandes cellules facilement identifiables par leur taille, des cellules géantes multinucléées. Jusqu’à ce jour, aucune étude n’avait été menée pour déterminer si leur présence avait un impact ou non sur le pronostic des patients. C’est ainsi qu’a débuté ce projet de recherche, qui a mobilisé de nombreux corps de métier présents à Gustave Roussy : des anatomopathologistes, des chirurgiens et des immunologistes, permettant de mener un véritable travail de recherche translationnelle », explique Grégoire Gessain.

Un score de bon pronostic

Les cellules géantes multinucléées sont issues de la fusion de monocytes et de macrophages, des cellules du système immunitaire. Ces cellules géantes se forment en réponse à la kératine produite de manière anarchique par les cellules cancéreuses afin de la phagocyter, soit la détruire en l’ingérant.

L’étude publiée dans Cancer Discovery démontre que la présence en nombre de cellules géantes multinucléées dans un carcinome épidermoïde ORL est un facteur de bon pronostic. Pour arriver à cette conclusion, les chercheurs ont étudié deux cohortes comptabilisant au total 394 patients touchés par cette pathologie. Ils ont d’abord démontré que les tumeurs kératinisantes contiennent fréquemment des cellules géantes multinucléées, mais que seulement un tiers d’entre elles en présentent une forte densité. Les 394 patients ont ensuite été divisés en trois groupes de risque selon la densité de cellules géantes multinucléées présentes dans leur tumeur.

Les résultats de ces travaux montrent que des niveaux élevés de cellules géantes multinucléées sont associés à une meilleure survie globale et une plus longue survie sans progression de la maladie. Des résultats qui se sont révélés indépendants d’autres facteurs comme le sexe, l’âge, le stade de la maladie, le tabagisme et la consommation d’alcool.

Le recours à l’intelligence artificielle

Après ces premiers résultats obtenus par comptage manuel des cellules dans les pièces opératoires, les chercheurs ont développé une méthode automatisée pour détecter et quantifier les cellules géantes multinucléées sur les lames histologiques de patients grâce à l’intelligence artificielle. Un algorithme a été mis au point, pour détecter automatiquement les cellules tumorales et les cellules géantes et ainsi déterminer un score permettant de stratifier automatiquement les patients en groupe de risque. Les résultats obtenus se sont révélés équivalents à ceux calculés par des pathologistes, mais avec un temps d’exécution beaucoup plus rapide.

L’intelligence artificielle a permis d’étendre cette découverte à d’autres carcinomes épidermoïdes non-ORL. Des analyses ont été menées dans des carcinomes épidermoïdes du col de l’utérus, où les résultats sur l’influence de la densité des cellules géantes ont été confirmés. L’étape suivante concernera les carcinomes épidermoïdes du poumon, de l’œsophage ou encore de la peau.

Caractérisation complète

Les travaux menés dans l’équipe de recherche Gustave Roussy/Inserm du Pr Florent Ginhoux ont permis de caractériser biologiquement ces cellules géantes multinucléées. Une première scientifique, car ces cellules sont trop volumineuses pour être étudiées avec les équipements d’analyse comme le cytomètre en flux ou le SingleCell.

« Grâce à la transcriptomique spatiale, une technologie de pointe qui permet de caractériser les cellules directement dans leur micro-environnement tumoral sur des lames d’histologie, nous avons pu confirmer la nature macrophagique des cellules géantes multinucléées. Ces cellules géantes expriment TREM2, une protéine membranaire qui favorise le processus de phagocytose par les macrophages », explique le Pr Florent Ginhoux.

De précédents travaux avaient conclu que la présence dans l’environnement tumoral de macrophages exprimant TREM2 était un facteur de mauvais pronostic. « Personne ne s’était en réalité intéressé au lien entre ces cellules et le type de cancer dans lequel elles évoluent. Nous démontrons que les macrophages exprimant TREM2 sont un facteur de bon pronostic dans les carcinomes épidermoïdes. Mais la valeur pronostic est complètement inversée dans la majorité des adénocarcinomes », souligne Grégoire Gessain.

La prochaine étape sera de valider que ce biomarqueur est toujours de bon pronostic dans des cohortes issues d’autres centres en France et à l’international, puis de déterminer son usage clinique. « Trouver un biomarqueur pronostique fiable et reproductible est quelque chose d’absolument essentiel en cancérologie : cela permet d’aider les cliniciens à stratifier les patients en fonction de leur risque et d’individualiser les traitements. Par exemple, en réduisant l’intensité et les toxicités chez les patients à faible risque, ou en intensifiant les traitements chez les patients à haut risque pour améliorer les chances de guérison. Mais aussi, en aidant à améliorer la sélection des patients pour les essais cliniques à l’avenir », conclut le Dr Philippe Gorphe, chirurgien ORL à Gustave Roussy.

Ces travaux ont bénéficié du programme de recherche translationnelle en cancérologie INCa-DGOS (PRT-K).

https://www.gustaveroussy.fr/

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