Depuis la préhistoire jusqu’aujourd’hui, le monde dans lequel nous vivons est en perpétuel changement. Notre vie se numérise d’année en année et pourra bientôt être représentée dans sa globalité par des bits et des octets. Serguei Beloussov, CEO d’Acronis, revient sur la réalité numérique actuelle et la possibilité d’atteindre l’immortalité numérique. Nous disposons aujourd’hui d’une puissance informatique illimitée, où que nous soyons, via nos terminaux mobiles, grâce aux technologies de l’information dématérialisée, comme le Cloud. Il y a encore quelques années, cela paraissait inconcevable.
Le numérique marque une disruption dans de nombreux secteurs. Bientôt, la monnaie et les cartes bancaires disparaitront au profit de transactions purement numériques et sécurisées. La plupart des objets peuvent être reproduits par une imprimante 3D. Les informations de santé, les statistiques et les activités humaines sont enregistrées en temps réel sur des équipements portables.
Tout ce qui nous entoure devient une partie de l’Internet global. Pour certaines tâches, des robots et des drones remplacent maintenant des personnes réelles dans leur travail. Les technologies Big Data, permettent d’utiliser de grandes quantités de données dans un but précis et l’intelligence artificielle devient de plus en plus pertinente. Nos équipements numériques et nos programmes deviennent de plus en plus intuitifs, et prennent virtuellement vie.
Le monde numérique d’aujourd’hui est directement relié à un des sujets d’actualité : la singularité technologique. Elle est définie comme le « point au-delà duquel les évènements deviennent imprévisibles, voire même inaccessibles à l’intelligence humaine. »
Pour moi, la singularité définit le point à partir duquel le monde numérique sera plus grand et plus important que le monde physique. Bientôt, il n’y aura plus de vie sans données, tout comme il n’y a plus de vie sans eau. Les informations numériques vont devenir aussi importantes que l’air que nous respirons. C’est même déjà le cas aujourd’hui pour la survie des grandes entreprises et des organisations, leurs existences dépendent de la disponibilité des données et des processus numériques. Sans données, ils n’existeraient plus.
L’immortalité a toujours attiré l’espèce humaine, avec par exemple la momification pour les pharaons. Aujourd’hui, nous disposons de moyens plus sophistiqués pour préserver un être humain – en sauvegardant toutes les données directement ou indirectement reliées à la personne en question, en plus de son ADN. Même l’esprit et la pensée peuvent être transformés en une collection de données numériques et quantiques pour être sauvegardés.
À l’inverse du monde physique où rien n’est éternel, et tout change, la perte des propriétés est différente dans le monde numérique. À quelques exceptions près, les données numériques sont virtuellement éternelles. Elles peuvent être déplacées, et stockées d’un support sur un autre sans perte de qualité pour une durée indéterminée – plus longtemps que la durée connue de notre univers, par exemple.
Il serait même possible de corriger les erreurs éventuelles découvertes au fil du temps, via l’autoapprentissage, si les techniques appropriées de correction des erreurs sont implémentées. En d’autres termes, si vous avez la copie numérique d’un être humain en votre possession, vous pourrez un jour la « restaurer », même dans plusieurs milliers d’années.
Comme nous ne savons pas exactement quelle partie des données est suffisante ou significative, il faut disposer d’un ensemble complet de données – notes personnelles, photographies, journaux intimes, correspondance, archives médicales, ainsi que les informations de parties tierces comme la mémoire des amis, leurs photographies de cette personne, etc.
La restauration de ces données dans le futur peut aider à créer une copie numérique d’un être humain – une personne capable de réagir au monde extérieur avec un comportement proche de l’original – voire même de parler et de répondre aux questions de la même manière. Une version améliorée du fameux test Turing pourrait être élaborée pour vérifier le succès d’une telle restauration de l’original.
Il est déjà techniquement possible de créer un clone d’un être humain à partir de son ADN (bien qu’il subsiste des obstacles moraux et éthiques), et il n’y a rien d’extraordinaire à enregistrer et à stocker de grandes quantités d’informations au sujet d’une certaine personne. La question est de savoir comment télécharger ces informations dans le clone pour obtenir quelque chose de plus performant, de plus « humain » qu’une copie virtuelle. Sans doute, le fait de posséder une grande quantité d’informations spécifiques à une personne soulève des interrogations quant à la confidentialité et à la sécurité des données. Et c’est précisément pourquoi nous devons apprendre à les contrôler et à élaborer des outils nous permettant de gérer ces informations.
Nous ne savons pas encore quelles sont les données requises pour une restauration au sens propre d’un être humain dans sa spécificité. Par mesure de précaution, il faudrait sauvegarder absolument tout – chaque étape, chaque rencontre et chaque souvenir. Dans le futur, si la société poursuit sa quête d’immortalité, j’espère que nous trouverons une solution plus aisée qui n’affecte pas le quotidien des gens. Il existe déjà des applications permettant d’enregistrer des données complètes pendant le sommeil et l’activité physique, et ce n’est qu’un début. Considérons Toutankhamon, l’homme le plus puissant du monde il y a environ 3 300 ans. En plus de son ADN, il existe un grand nombre d’informations sous forme de mémoires et de manuscrits contenant des récits détaillés de sa vie. Mais cela ne représente qu’une fraction de ce que nous pouvons enregistrer aujourd’hui au sujet d’une personne (ou d’une société), pour protéger la vie des personnes et permettre aux générations futures de les connaître.
Ces données pourraient s’avérer utiles pour les particuliers comme pour les organisations, et peut-être un jour pourrons-nous les utiliser sur le chemin de l’immortalité et de la renaissance – dont l’humanité a toujours rêvé.